Autant le dire d'emblée, l'arrivée à bon port du MSC FLAMINIA dans le port de Wilemshafen le 9 septembre dernier nous a laissé un fort goût d'inachevé et cette sensation, partagée par les nombreuses personnes "du métier" avec qui nous avons évoqué cette épopée, que quelque chose n'avait pas fonctionné dans ce dossier, et que le gouvernement français (et sans doute d'autres Etats Côtiers comme la Grande Bretagne) n'avait pas "joué le jeu" du concept de port refuge, laissant finalement l'armateur se débrouiller seul en tenant "à bout de gaffe", et hors de ses eaux sous juridiction, l'indésirable navire.
Un drôle de sentiment que ce dossier a finalement été traîté comme celui du Prestige, pétrolier Libérien qui fut victime d'une déchirure de la coque le 13 novembre 2002 (dont la cause reste inconnue mais que les témoignages des marins font supposer être le résultat d'un heurt avec un conteneur, un objet flottant ou une vague déferlante), et que les autorités espagnoles ont tenté de faire remorquer vers le large avant qu'il ne brise et coule dans la tempête le 19 novembre 2002, sa cargaison de pétrole polluant les côtes du Portugal d'Espagne et de France.
Sauf qu'en 2012, les Etats Côtiers disposaient de tout l'arsenal juridique pour que celà ne pusise se reproduire. Autrement dit, nous aurions eu les armes juridiques mais pas le courage et/ou la volonté de les utiliser. Fort heureusement cette fois-ci, le navire ne s'est pas brisé, n'a pas pollué (ou peu) et n'a pas fini sa vie au fond de l'océan avec, dans le cas présent, plusieurs milliers de conteneurs à la dérive dans l'Océan Atlantique.
Sitôt le navire accosté, plusieurs interviews sont parues dans la presse nationale et régionale comme s'il s'agissait d'éteindre l'incendie de la polémique naissante sur le traitement réservé à ce navire.
Ainsi, sur son blog, le Ministre des Transports Frédéric Cuvillier indique avoir survolé le MSC FLAMINIA le 4 septembre 2012 quelques heures avant son transit dans le Pas de Calais "afin de prendre connaissance des conditions de navigation et de remorquage du MSC Flaminia, porte-conteneurs allemand qui s'apprête à passer le détroit du Pas-de-Calais", tout en se voulant rassurant sur ce transit suffisamment hors normes pour qu'un ministre embarque dans un hélicoptère de la Marine Nationale pour assister au passage du navire devant le cap Gris Nez.
Dans une interview donnée au Télégramme de Brest le même jour, le Préfet Maritime confirme que tout s'est parfaitement déroulé, le navire s'étant rapidement avéré ne pas être dans une situation de danger immédiat, permettant ainsi aux autorités françaises de demander à l'armateur de répondre à plusieurs exigences avant d'accepter de recevoir le bâtiment dans les eaux sous juridiction française". Le Préfet ajoute également que le navire n'a été autorisé à pénétrer dans nos eaux qu'après avoir été inspecté et que le rapport demandé ait confirmé la bonne tenue du navire et son aptitude à rejoindre le port d'accueil allemand. Autrement, maintenant que le navire était un navire normal (ou presque), il était autorisé, comme les 700 à 800 autres navires qui transitent quotidiennement par le détroit, à faire route vers son port des destination.
Dans une interview accordée à la Voix du Nord le lendemain, le ministre des transports indiquait que "le navire n'entrait pas dans le cadre du dispositif port refuge" car il n'y avait pas de menace immédiate de pollution, tout en précisant que "tant que l'incendie n'était pas éteint, il avait un risque d'explosion", ce qui justifiait en soi de ne pas autoriser le navire à pénétrer dans nos eaux ; Mais maintenant que le feu était maîtrisé, la flottabilité garantie, c'était un convoi normal". Difficile de faire plus contradictoire dans une seule et même phrase.
Dans une autre interview donnée à Ouest France le 11 septembre 2012, le ministre rajoute et confirme que "tout avait bien fonctionné et qu'il était urgent de ne pas se précipiter à le rapatrier dans un port et qu'il fallait appliquer le principe de précaution dans ce type de situations sans céder à la pression d'accueillir un navire dont on savait qu'il contenait des produits dangereux. Quel navire pourrait donc être accueilli, sachant qu'ils transportent quasiment tous, en petites ou grosses quantités, des produits dangereux...
L'interview du Professeur de Droit Philippe Delebecque accordée au webmagazine "Actu Environnement" est plus surprenante puisqu'à la question sur l'application de la législation sur les ports refuges au cas du MSC FLAMINIA, ce dernier répond en renvoyant sur le décret du 2 février 2012, sans vraiment répondre à la question du journaliste...
Ne pourrait-il donc pas s'avéver que ce dossier ait été géré par le gouvernement français "à l'ancienne", comme le furent celui de l'Erika et du Prestige ? Ce serait alors une triste conclusion treize ans après l'Erika et alors que vient de s'ouvrir en Espagne le procès du naufrage du Prestige. Il faut cependant concéder que, l'histoire ne s'étant finalement pas mal terminée, et l'actualité laissant peu de place au "retour sur image", le MSC FLAMINIA est retourné à une vie confidentielle qui sied finalement assez bien au monde maritime.
Que retenir donc de ce dossier et de la position adoptée par le gouvernement français qui a toujours été de dire "le MSC FLAMINIA ne relevait pas de la réglementation sur les ports refuges" ? Autrement dit, que ce navire n'était pas dans une situation telle qu'il doive être accueilli en urgence par un Etat côtier.
La question qui se pose, la seule d'ailleurs, est finalement de savoir si le navire pouvait être considéré comme un navire pouvant ou devant bénéficier de la législation sur les ports refuges. A dessein, nous n'employons aucun adjectif sur l'état du navire (en détresse, en besoin d'assistance, en difficulté, etc...).
Pour illustrer notre propos, il est nécessaire de revenir aux premières heures de cette fortune de mer et de décrire le MSC FLAMINIA lorsque les décisions dont nous allons parler ont et/ou auraient du être prises.
En ce 14 juillet 2012, le MSC Flaminia est à 1 000 nautiques de la première côte, en route pour Bremerhaven lorsqu'un incendie éclate à bord dans le compartiment 4, suivi par d'une explosion. L'équipage évacue rapidement le navire et trouve refuge sur le MSC Stella ou la mort d'un marin et la disparition d'un autre seront confirmées.
SMIT Salvage est mandaté par NSB dès le 15 juillet et envoie deux navires pour assister le MSC FLAMINIA. Le MSC Hanjin Ottawa, présent sur zone, attend les navires de sauvetage et peut constater que la structure du navire semble intacte et que le château et la salle des machines n'ont pas été gagnées par l'incendie.
Le premier navire de sauvetage, le Fairmount Expedition, arrive sur zone le 17 juillet et commence immédiatement la lutte anti-incendie, rapidement interrompue par une seconde explosion qui l'oblige à se positionner en retrait du navire. Le 19 juillet, les opérations d'extinction reprennent.
Le navire accuse une gite de 8-10° lorsque le second navire de sauvetage, l'Anglian Sovereign, arrive sur les lieux. Une première équipe réussit à monter à bord et à réactiver les système de lutte anti-incendie. Les compartiments 4,5, et 6 sont détruits et la gite du navire est toujours de 10° lorsqu'un troisième remorqueur, le "Carlo Magno", arrive sur zone le 21 juillet 2012. Le navire est alors à environ 600 milles nautiques des côtes françaises et britanniques.
A cette date, il est fortement probable que NSB ait déjà formulé une demande auprès des Etats Cotiers pour que son navire puisse être accueilli dans les meilleurs délais. Elle figure expressément dans son communiqué de presse du 24 juillet 2012 . Le navire de 299 mètres est alors à environ 300 milles nautiques de Brest, chargé de 2 876 containers, et continue de brûler dix jours après le déclenchement de l'incendie et après deux explosions qui auront coûté la vie à deux membres d'équipage. Accusant une gite d'environ 10°, il dispose toujours de l'usage de son appareil à gouverner et de sa propulsion. Les compartiments 4, 5, et 6 et les conteneurs qui y étaient disposés sont totalement détruits.
Voila pour les faits tels qu'ils ont été rapportés par la presse et par l'armateur du navire et qui nous conduit donc à nous interroger sur le traitement de ce navire et sur le refus d'accueil de ce navire, aux motifs qu'il n'entrait pas dans le cadre de la législation sur les ports refuge.
Encore une fois (et ce n'est pas peu dire), il nous a fallu de la patience et et développé un certain goût pour la généalogie juridique afin de retrouver les textes et les définitions qui ont d'ailleurs évolués au cours des dernières années et au gré des circulaires, directives, rapports, annexes et autres émis par l'OMI, l'Union Européenne, La France.....
Et le nœud gordien de ce type de dossier tient sans doute dans un fait assez simple mais finalement assez effrayant. Si les textes, nationaux, européens, internationaux, ont bien prévu la possibilité pour les Etats d'intervenir dans ce type de dossiers en les incitant "fortement" à accueillir les navires, aucun de ces textes ne donne cependant de définition réellement précise et non ambiguë du navire en détresse ou ayant besoin d'assistance.
Petite plongée dans les abysses législatives en rappelant tout d'abord que la législation sur l'accueil des navires trouve principalement son origine dans les naufrages des Pétroliers Erika et Prestige, et ce même si le sujet a été abordé bien avant, notamment au sein de l'OMI, et dans la convention de Montego Bay. Commençons donc par notre "corpus législatif qui est composé de plusieurs textes, eux mêmes issus le plus souvent de la transposition de directives européennes, elles-mêmes plus ou moins inspirées par certaines résolutions de l'OMI.....
Le premier de ces textes est l'article L 5331-3 transports qui dispose que "L'Etat détermine les conditions d'accueil des navires en difficulté et que l'autorité administrative enjoint s'il y a lieu à l'autorité portuaire d'accueillir un navire ayant besoin d'assistance. Elle peut également, s'il y a lieu, autoriser ou ordonner son mouvement dans le port.
Cet article est issu de la transposition en droit français de plusieurs directives européennes au travers notamment des ordonnances 2004-691 du 12 juillet 2004 (qui a crée l'article L 361-1 du Code des Ports Maritimes devenu l'article L 5331-3 du Code des Transports ) et l'Ordonnance n° 2011-635 du 9 juin 2011 qui a ajouté l'obligation d'accueil sur injonction de l'autorité administrative.
Ce texte a été complété par un Décret n° 2012-166 du 2 février 2012 portant désignation des autorités administratives compétentes en matière d'accueil dans les ports des navires ayant besoin d'assistance. Le décret charge le préfet maritime d'assurer ce rôle et lui confie le soin de décider de l'accueil d'un navire dans un port qu'il désigne. Il lui donne également compétence pour enjoindre à l'autorité portuaire d'accueillir ce navire. Il appartient au préfet de département de veiller à la bonne exécution de cette injonction et, si nécessaire, d'autoriser ou d'ordonner le mouvement du navire dans le port.
Enfin, une instruction du 24 avril 2012 relative à l'établissement des dispositions spécifiques à l'accueil dans un lieu de refuge d'un navire ayant besoin d'assistance de l'ORSEC maritime, de l'ORSEC zonal et de l'ORSEC départemental complète le dispositif français. Nous reviendrons plus tard sur cette instruction.
Cependant, aucun des ces textes ne définit ce qu'est un navire en difficulté ou un navire ayant besoin d'assistance, termes employés dans notre corpus législatif. Inutile de chercher, vous ne trouverez rien.
Cette absence de définition n'est finalement pas si étonnante qu'il peut y apparaître. Elle tient probablement au fait que cette problématique de la définition a été évoquée par l'Inspection Générale des Services des Affaires Maritimes (I.G.S.A.M.) dans un rapport de 2003 intitulé "Navires en difficulté et recours aux lieux de refuge". Dans ce document, la question de la définition du "navire en difficulté" est clairement posée mais reste sans réponse. Les auteurs concluent en effet que "la réponse à une telle question n'est pas simple car la situation d'un navire à un moment donné dépend de très nombreux facteurs internes (état de la coque, fonctionnement des appareils à gouverner et de propulsion, etc.) et externes (environnement géographique et météorologique, etc.) La simple panne d'un auxiliaire (par exemple d'une pompe d'assèchement) peut avoir des conséquences radicalement différentes selon que le navire est en mer calme ou en pleine tempête, loin des côtes ou au contraire prèsdes secours, etc. Or chacun des facteurs se décline en un grand nombre de sous facteurs (état de la coque peut signifier : état des structures, état des fonds, état des ouvertures, etc.) En outre, leur évolution dans le temps dépend des facteurs environnementaux et des comportements de l'équipage (choix du cap et de la vitesse par exemple) ou des assistants (traction par une remorque).
La conclusion des auteurs sur ce point est "qu'il est donc particulièrement difficile, sinon impossible de définir a priori les situations de difficulté. Elles résultent de la combinaison des multiples facteurs et sous facteurs qui peuvent en générer un nombre très important sinon infini."
Le législateur français a visiblement parfaitement pris en compte cette remarque, pertinente il est vrai, de l'I.G.S.A.M. Il est également vrai que cette absence de définition peut s'avérer bien pratique pour les Etats Côtiers, comme nous le verrons plus loin.
Le Droit Français est donc particulièrement silencieux même si en fouillant bien, trouve t'on dans le Décret n° 2010-1577 du 16 décembre 2010 (portant publication de la résolution MSC.255(84) relative à l'adoption du code de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (code pour les enquêtes sur les accident adopté le 16 mai 2008) une définition de l'accident et de l'incident de mer. L'Accident de mer est ainsi désigné comme un événement, ou une suite d'événements, lié directement à l'exploitation du navire et ayant entraîné (1) la mort d'une personne ou des blessures graves, (2) la disparition d'une personne par-dessus bord, (3) la perte, la perte présumée ou l'abandon d'un navire, (4) des dommages matériels subis par un navire, (5) l'échouement ou l'avarie d'un navire ou sa mise en cause dans un abordage, (6) des dommages matériels à l'infrastructure maritime extérieure au navire susceptibles de compromettre gravement la sécurité du navire, d'un autre navire ou d'une personne, ou (7) des dommages graves à l'environnement, ou la possibilité de dommages graves à l'environnement, résultant des dommages subis par un navire ou des navires.
Quant à l'Incident de mer, il désigne un événement, ou une suite d'événements, autre qu'un accident de mer, lié directement à l'exploitation d'un navire et qui compromet ou, si l'on ne prend pas de mesures correctives, risque de compromettre la sécurité du navire, de ses occupants ou de toute autre personne ou de porter atteinte à l'environnement (A noter que ces définitions ne comprennent pas les actes délibérés ou les omission commis dans l'intention de porter atteinte à la sécurité d'un navire, à une personne ou à l'environnement). A la lecture de ce Décret, on peut quand même considérer que nous sommes dans le cas d'un accident de mer.
Ce silence quasi absolu de notre Droit National impose donc de remonter d'un cran pour se tourner vers le Droit Européen, dont il est issu majoritairement.
S'agissant de la législation sur les ports refuges et l'accueil des navires, il faut se tourner vers la directive 2002/59/CE du 27 juin 2002 relative à "la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information". Les articles 20 et suivants relatifs au lieux de refuges parlent de "navire en détresse" mais la directive n'en donne aucune définition, se contentant d'évoquer la notion d'accident à l'article 3.r comme étant "un accident au sens du code d'enquête de l'OMI sur les accidents et incidents maritimes".
En 2009, dans le paquet dit "Erika III" figure une nouvelle directive 2009/17/CE du 23 avril 2009 qui modifie celle de 2002. L'expression "navire en détresse" est remplacée par le mot "navire ayant besoin d'assistance" qui devient l'article 3 v de la directive de 2002 modifiée et qui se définit comme étant, "sans préjudice des dispositions de la convention SAR sur le sauvetage des personnes, un navire se trouvant dans une situation qui pourrait entraîner la perte du navire ou constituer une menace pour l'environnement ou pour la navigation";
Le législateur européen justifie la modification par le fait que les directives sur les lieux de refuge pour les navires ayant besoin d'assistance annexées à la résolution A.949 (23) de l'Organisation maritime internationale du 13 décembre 2003, et qui ont été adoptées postérieurement à l'adoption de la directive 2002/59/CE, se réfèrent à des navires ayant besoin d'assistance, plutôt qu'à des navires en détresse.
Même sans donner de définition précise, ce texte est plus précis puisqu'il renvoie explicitement vers un autre texte, la résolution A.949 (23) de l'OMI, qui se révèle être le texte fondateur de la règlementation sur les ports refuges.
Celui-ci, adopté lors de la 23ième session de l'OMI le 5 décembre 2003, est intitulé "Directives sur les lieux de refuge pour les navires ayant besoin d'assistance". Dans ce document, le navire ayant besoin d'assistance est défini comme étant "un navire qui se trouve dans une situation autre qu'une situation nécessitant le sauvetage des personnes à bord, susceptible d'entraîner son naufrage ou un danger pour l'environnement ou la navigation".
Un navire répondant à cette définition est donc susceptible de se voir appliquer la législation sur les lieux de refuge.
Voila donc ce qu'est, en Droit International, un navire ayant besoin d'assistance, ce terme ayant été préféré à d'autre comme "navire en détresse", encore plus restrictif (à notre avis) et plus anxiogène pour les États Côtiers et les populations.....
Une fois que vous avez dit celà, vous n'avez finalement pas dit grand chose car il s'agit ensuite d'appliquer la définition au cas d'espèce à traiter. Dans notre cas, le MSC FLAMINIA était-il un navire se trouvant dans une situation (....) susceptible d'entraîner son naufrage ou un danger pour l'environnement ou la navigation ?
La directive de l'OMI n'est cependant pas suffisamment précise et ne donne pas de "guidelines" pour déterminer si le navire a un besoin d'assistance au sens de sa directive. Elle tente plutôt, au travers de questionnaires et de grilles d'analyse, à permettre une évaluation du risque lié à l'accueil du navire dans un port refuge et à éclairer l'autorité compétente sur les risques encourus à accueillir le navire plutôt qu'à déterminer s'il est en besoin d'assistance. Le texte de l'OMI prévoit d'ailleurs que, si un navire se trouve dans une telle situation, l'Etat Côtier devrait, après avoir enjoint le capitaine de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la menace d'un danger, procéder, pour chaque lieu de refuge, à une analyse objective des avantages et des inconvénients qu'il y aurait à autoriser un navire ayant besoin d'assistance à se rendre dans un lieu de refuge, en prenant en considération certains facteurs (facteurs environnementaux, économiques, sociaux, conditions naturelles, etc...).
Le texte prévoit également une analyse de l'évènement en lui-même par l'Etat Côtier (etat du navire, marchandises transportées, équipage, assurance, etc....) et une analyse d'expert qui devrait comprendre une visite à bord et dont le but serait également de comparer les risques encourus si le navire reste en mer et les risques qu'il présenterait pour le lieu de refuge et son environnement.
La directive conclut cependant que lorsqu'une autorisation d'accès à un lieu de refuge est demandée, l'Etat Côtier n'est nullement tenu de l'accorder, mais qu'il devrait évaluer tous les facteurs et les risques avec objectivité et offrir un abri chaque fois que celà est raisonnable possible.....
Le texte renvoie donc à plusieurs questionnaires et à une grille d'analyse que doit s'attacher à remplir l'Etat Côtier avant de prendre sa décision. Et c'est ici que l'on boucle la boucle en retournant à notre Corpus Législatif national puisque ces questionnaires et cette grille d'analyse, issus de la directive A 949 (23) de l'OMI sont annexés à l'instruction du 24 avril 2012 relative à l'établissement des dispositions spécifiques à l'accueil dans un lieu de refuge d'un navire ayant besoin d'assistance de l'ORSEC maritime, de l'ORSEC zonal et de l'ORSEC départemental.
L'instruction reprend "in extenso" les annexes de la directive A 949 (23) dont rappelons le, l'objet est de fixer les principes applicables à l'ensemble du dispositif relatif aux lieux de refuge élaboré à l'échelle de la planification ORSEC maritime, zonale et départementale. Elle est censée "établir un processus garantissant la prise rapide de décision, adapté à l'urgence lorsque l'accueil d'un navire ayant besoin d'assistance, au sens de la directive 2002/59/CE, s'avère nécessaire, sans que les consultations prévues ne puissent ralentir la prise de décision de l'autorité compétente".
L'instruction précise qu'après avoir recueilli l'avis du préfet de zone de défense et de sécurité, l'autorité maritime décide de maintenir le navire à la mer ou de le mettre à l'abri et, dans ce dernier cas, fixe le lieu de refuge vers lequel le navire doit être conduit. Elle informe le préfet de zone de défense et de sécurité de ses décisions et, dans l'hypothèse où un lieu de refuge est fixé, le préfet de département concerné. Dans le cas où le navire est mis à l'abri dans un port, l'autorité maritime enjoint à l'autorité portuaire d'accueillir ce navire.
La description ci-dessus du MSC FLAMINIA quelques jours après son incendie, sa gîte, les flancs rongés par le feu, l'incendie sous contrôle mais non éteint, suffisent à notre sens à démontrer que le MSC FLAMINIA était bien un navire ayant besoin d'assistance. Si ce navire ne rentrait pas dans le cadre de la législation sur les ports refuges, quel navire peut donc y rentrer et de quoi devrait souffrir un navire pour "rentrer" dans le cadre ? Soulignons au passage que si le navire avait été dans une situation plus grave, la décision de rejet aurait été la même.
Dans notre cas, les autorités françaises n'ont ainsi jamais caché qu'elles avaient décidé le maintien du navire en haute mer en lui interdisant l'entrée dans ses eaux sous juridiction. Ce simple choix, durant près d'un mois et demi, suffit à démontrer que la situation de ce navire n'était pas la situation sous contrôle qui a été décrite ensuite, une fois que tout était terminé. La préfecture maritime indiquait à l'époque que « l'État Français n'est pas opposé à un accueil du porte-conteneurs ; en attente d'un bilan complet, il est toutefois demandé au Flaminia de rester dans les eaux internationales. »
L'explication donnée par la suite d'indiquer que le navire ne relevait pas de la législation sur les ports refuges est difficilement compréhensible. Pour notre part, nous considérons que ce navire relevait bien de la législation sur les ports refuges. L'assistance fournie par SMIT SALVAGE suffit à elle seule à illustrer le nécessaire besoin d'assistance du navire. La décision de maintenir le navire en haute mer constitue également en soi une indication que le navire était bien en danger et qu'ensuite, l'Etat Côtier a décidé, pour des raisons, bonnes ou mauvaises, de maintenir le navire en haute mer "en attendant" ; C'est aussi en soi une décision que permet la réglementation sur les ports refuges, même si il est certain que "l'esprit" de la règlementation est plutôt de tout faire pour accueillir au plus vite et dans de bonnes conditions le navire, et ce afin d'éviter un désastre plus grand. Personne n'ignore plus que le maintien en haute mer n'est pas la solution. Si le navire est vraiment en détresse et finit par couler (Pétrolier Prestige), le remède est pire que le mal, et si le navire finit par s'en sortir seul ou par l'assistance de tiers, c'est repousser le problème et peut s'analyser en une volonté politique de ne prendre aucun risque.
Notre analyse est visiblement partagée par d'autres comme ces deux députés européens interviewés par France 3 Baie de Seine , Brian Simpson et Gesine Meissner, tous deux membres de la commission transport et qui ont manifesté à minima leur incompréhension face à la décision française de refuser l'accueil de ce navire, indiquant qu'une révision de la directive de 2009 serait sans doute nécessaire pour éviter que ne se reproduise un tel cas de figure.
Que dire en effet pour conclure sinon que ce dossier a montré une nouvelle fois les limites de la règlementation sur les ports refuges. L'analyse du risque est forcément subjective (à un moment ou à un autre). Il sera dès lors très difficile de reprocher à un Etat d'avoir refusé un navire qui au final, aura sombré. Celà pourra même lui permettre de démontrer que le navire était effectivement une menace pour les côtes.
Le cas du MSC FLAMINIA, qui finalement sera autorisé à transiter par nos eaux une fois que tout était résolu et sous contrôle, n'est pas encourageant pour l'avenir et il y a finalement assez peu de chances pour qu'un Etat accepte d'accueillir un navire en difficulté dans un lieu de refuge. Le risque politique est bien trop grand et il sera toujours plus facile de désigner l'armateur ou les sauveteurs comme responsables du naufrage que d'assumer une décision qui verra un navire s'échouer dans une baie ou sombrer, totalement ou partiellement, dans un port. Pour peu que celà se produise sur des côtes à forte fréquentation touristique et/ou l'économie maritime est très présente, la messe est dite par avance...
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