Quand je me suis lancé dans la rédaction de cet article, je n'imaginais pas réellement le nombre de textes que j'allais devoir compiler avant de poser la moindre ligne sur mon ordinateur. Si les textes anciens sont rares et peu loquasses sur ce corps de fonctionnaire discret et peu connu du grand public, le XIXième et le XXième siècle ont généré une foultitude de lois, décrets ou arrêtés modifiant régulièrement le statut ou leurs attributions.
Il faut remonter, comme souvent, à l'Ordonnance sur la Marine d'août 1681 pour voir apparaître formellement cette fonction de surveillance et de régulation des espaces portuaires au travers du Titre II du Livre IVième intitulé "du maistre de quai". En charge de la police et de l'inspection sur les quais, il aura "soin de "faire ranger et amarrer les vaisseaux dans le Port, veillera à tout ce qui concerne la police des quais, ports et havres, et fera donner pour raison de ce toutes assignations nécessaires". Le titre ne contient que 7 articles mais il s'agit bel et bien là de l'embryon de ce qui deviendra plus tard "l'officier de port". On notera que dès cette époque, le « maistre de quai » devait prêter serment, comme il le fait encore aujourd'hui.
L'ordonnance de 1689 « pour les armées navales et arsenaux de la Marine », bien que consacrée à la Marine du Roi, contient tout un titre sur les « capitaine de port » dont les missions sont finalement assez proches de celles des maistres de quai comme le placement des navires de la Marine mais aussi les bâtiments marchands qui souhaiteraient rentrer dans le port.
L'ordonnance de 1765 viendra compléter ce statut de « capitaine de port » mais il faudra attendre 1791 et la promulgation de la loi "relative à la police de la navigation et des ports de commerce" pour voir évoluer réellement la fonction de Maistre de Quai on avec la nomination, dans les villes maritimes où il y a des tribunaux de commerce, de "capitaines et lieutenans de port pour veiller à la liberté et la sûreté des ports et rades de commerce et de leur navigation, à la police sur les quais et chantiers des mêmes ports, au lestage et délestage, à l'enlèvement des cadavres, et à l'exécution des lois des pêches et du service des pilotes".
Pour cet article de reprise des parutions sur Fortunes de Mer, je vais me consacrer à un sujet particulièrement central dans le Droit Maritime sur lequel je souhaitais écrire depuis fort longtemps : A-t-on le droit de hisser un pavillon pirate sur un navire marchand ou de plaisance ?
Ma coupable passion pour la piraterie ne pouvait passer à côté d'un tel sujet qui donne lieu régulièrement à des articles sur Internet ou dans la presse.
Cette question qui paraîtra forcément futile et sans le moindre intérêt pour la majorité d'entre vous, renvoie tout de même à un corpus législatif relativement riche à travers les âges et à une autre question : l'habit fait-il le moine ?
Ce type de décision est assez rare mais l'ONU, via le comité des sanctions du conseil de sécurité mis en place par la résolution 1718 (2006) a désigné plusieurs navires comme transportant des marchandises interdites et les a "interdits de ports" dans le monde entier.
Cette possibilité avait été mentionné explicitement dans les résolutions du Conseil de Sécurité ONU S/RES/2371 (2017) du X août 2017 (le Comité peut désigner des navires au sujet desquels il dispose d'informations indiquant qu'ils sont, ou ont été, liés à des activités interdites par les résolutions 1718 (2006), 1874 (2009), 2087 (2013), 2094 (2013), 2270 (2016), 2321 (2016), 2356 (2017) ou par la présente résolution et que tous les États Membres doivent interdire l'entrée de ces navires dans leurs ports, sauf si l'entrée est requise en cas d'urgence ou en cas de retour au port d'origine, ou si le Comité établit à l'avance qu'elle est nécessaire à des fins humanitaires ou à toute autre fin compatible avec les objectifs des résolutions 1718 (2006), 1874 (2009), 2087 (2013), 2094 (2013), 2270 (2016), 2321 (2016), 2356 (2017), ou de la présente résolution;) et par la résolution ONU S/RES/2375 (2017) (Décide qu'il appliquera les mesures édictées au paragraphe 6 de la résolution 2371 (2016) aux navires transportant des articles interdits en provenance de la République populaire démocratique de Corée, donne pour instruction au Comité de procéder à la désignation de ces navires et de lui soumettre un rapport au plus tard 15 jours après l'adoption de la présente résolution, décide que si le Comité ne l'a pas fait, il parachèvera l'adaptation de ces mesures au plus tard sept jours après avoir reçu ledit rapport, et charge ce dernier de mettre la liste à jour régulièrement, à mesure qu'il est informé de nouvelles violations;)
Ce comité a publié le 9 octobre 2017 une première liste de "quatre navires" transportant des marchandises interdites et les a "interdits de ports" dans le monde. Selon Hugh Griffiths, coordonnateur des experts chargés du dossier nord-coréen, "C'est la première fois dans l'histoire des Nations unies" que des navires, identifiés comme transportant des marchandises bannies par des résolutions de l'ONU, sont interdits de ports.
Ce responsable s'exprimait à l'issue d'une réunion publique à l'ONU ouverte à tous les membres des Nations unies, au cours de laquelle il a annoncé l'interdiction d'accéder à tous les ports pour ces quatre cargos suspectés de violer les résolutions de l'ONU.
L'interdiction de ports a été prise "le 5 octobre", a précisé Hugh Griffiths. "Ces quatre navires sont interdits de tous les ports (...) pour avoir transporté des marchandises interdites" qui pourraient être du charbon, du fer et du poisson nord-coréens, marchandises ciblées par les derniers trains de sanctions de l'ONU.
Toujours selon Hugh Griffiths, "la désignation des quatre navires ne veut pas dire un gel d'avoirs ou une interdiction de voyager. Il s'agit d'une interdiction de ports". On notera la subtilité du propos (marque de fabrique de l'ONU) car un navire qui ne peut accoster nulle part, hormis évidemment en Corée du Nord, la notion de voyage perd beaucoup de son sens.
La liste publiée sur le site du Comité des Sanctions mentionne quatre navires.
Le premier est le PETREL 8 (numéro IMO 9562233). Il s'agit d'un vraquier de 134 mètres de long, construit en 2011 et battant pavillon des Comores (black list du Paris MOU). Il a changé plusieurs fois de nom et de propriétaire et est désormais la propriété de la LI QUAN SHIPPING Co Ltd (compagnie chinoise basée à Hong-Kong qui arme un seul et autre navire) qui est aussi son ship Manager depuis janvier 2017. Il est classé par le Indian Register of Shipping depuis 2016.
Le second est le HAO FAN 6 (numéro IMO 8628597), est un vraquier de 140 mètres de long, construit en 2009 et battant pavillon de Saint Kitt & Navis (black list du Paris MOU). Il n'a jamais changé de nom mais plusieurs fois de pavillon et de propriétaire ; Il est désormais la propriété de la TRENDY SUNSHINE HONG KONG LTD (single ship compagny chinoise basée à Hong-Kong) depuis février 2017 et qui a pour ship Manager la SHEN ZHONG INTERNATIONAL SHPG depuis mars 2009. Il semble être classé par l'International Register of Shipping (IS) depuis mai 2017.
Le troisième est le TONG SAN 2 (numéro IMO 8937675). Il s'agit d'un vraquier (agrégats) de 97 mètres de long , construit en 1996 et battant pavillon de la Corée du Nord. Il a changé plusieurs fois de nom, de pavillon et de propriétaire ; Il est désormais la propriété de la NAMPHO FISHERY CO (single ship compagny basée à Nampo) depuis février 2016 et qui est aussi son ship Manager. Il est classé par la Korea Classification Society depuis avril 2016.
Et le dernier est le JIE SHUN (numéro IMO 8518780). Il s'agit d'un vraquier de 108 mètres de long, construit en 1986 avec cette particularité que son pavillon est ....inconnu depuis début 2106 date à laquelle il battait encore celui du Cambodge..... Il a changé plusieurs fois de nom et de propriétaire ; Il est désormais la propriété de la VAST WIN TRADING LTD (single ship compagny basée à Dalian en Chine) depuis août 2014 avec comme shipmanager la K BROTHERS MARINE CO LTD basée à la même adresse. Sa classe lui avait été délivrée par le Russian Maritime Register of Shipping mais elle lui a été retirée sur demande de l'armateur en 2012. Depuis, pas de nouvelles.
La décision de "bloquer" ces navires, si elle est conforme aux résolutions du Conseil de Sécurité, risque tout de même de se heurter à la réalité des faits. Chacun sait que le sud-est asiatique regorge de ports et qu'il sera sans doute bien difficile d'empêcher "ad vitam eternam" ces navires d'accoster et de charger et de décharger leurs marchandises, quand bien même viendrait-elle ou serait à destination de la Corée du Nord.
La deuxième tentative aura donc été la bonne. Après avoir été abandonné par le Gouvernement qui l'avait lui-même proposé en juillet 2015 lors de la discussion sur le Droit des étrangers (Loi 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France), l'amendement visant à renforcer les sanctions en cas d'intrusion dans les zones d'accès restreints des ports français. a été adopté dans le cadre de loi sur « l'économie bleue » via un amendement déposé par le Député Arnaud Leroy et adopté avec l'accord du gouvernement.
Hormis le dispositif, la rédaction de cet amendement, visant à modifier les articles L 5336-5 et L 5336-10 du Code des Transports et permettre de « correctionnaliser » les intrusions en zone d'accès restreint portuaires, est identique à celle présentée en juillet 2015, lors des discussions sur le projet de loi portant sur le droit des étrangers en France.
Lors des débats de 2015, le gouvernement avait déposé cet amendement mais son défaut résidait dans le dispositif qui visait de manière explicite la pénalisation de ceux qui tenteraient de s'introduire dans le port de Calais, seul port cité dans l'exposé des motifs. La référence au rapport de Jean ARIBAUD et Jérôme VIGNON sur la situation des migrants dans le Calaisis n'a pas non plus plaidé en faveur de cet amendement.
Les ouvrages sur les grands juristes du Droit Maritime ou des Assurances sont rarissimes. Il existe bien quelques articles sur Emerigon, quelques lignes sur Ripert mais finalement assez peu de choses sur ces personnages qui ont façonné le Droit Maritime Français.
Quelle ne fut donc pas notre surprise de découvrir, au hasard de recherche "mécaniques" sur un site de livres d'occasions, un ouvrage uniquement consacré à un personnage dont les ouvrages sont pour certains restés dans l'Histoire du Droit et dans celui du Droit et des Assurances Maritimes en particulier.
Cet ouvrage, dont le hasard nous a fait acheté l'exemplaire n°1, a été écrit par Marcel Daniel et constituait la "tête de ligne" d'une série de livre devant être consacrée aux "Grandes Figures de l'Assurance Française. Malgré nos recherches, il semble que l'exemplaire consacré à celui dont nous parlons aujourd'hui fut l'unique et seul exemplaire de la série.
Je veux ici parler d'Alfred de Courcy, personnage fort peu connu aujourd'hui mais dont l'oeuvre s'avère encore précieuse à bien des égards dans les matières qui intéressent notre site.
Alfred de Courcy n'était pas spécifiquement destiné aux assurances. Né à Brest en 1816, il aurait du être marin, comme son père, capitaine de vaisseau de la marine Royale. Mais, engagé par son oncle, De Gourcuff, alors Directeur de la Compagnie d'Assurances Générales Maritimes, de la Compagnie d'Assurances Générales contre l'Incendie, et de la Compagnie d'Assurances Générales sur la Vie. C'est cette dernière qu'il intègre en 1834. Il en gravit très vite les échelons et en devient secrétaire général en 1837. Son appétence pour les mathématiques et les statistiques l'amenent à traduire un ouvrage de référence de Francis Baily sur la « Théorie des Annuités Viagères et des Assurances sur la Vie » qui paraît en 1836 alors qu'il n'a que 19 ans.....Envoyé à Londres en 1837 par son oncle et le Conseil d'Administration de sa compagnie pour y « défricher » le marché de l'assurance sur la vie, il en revient convaincu que cette branche a de l'avenir. Il publiera d'ailleurs de nombreux ouvrages sur le sujet comme son « précis de l'assurance sur la vie », « l'essai sur la loi du hasard », « l'impôt et les assurances sur la vie », « de l'assurance par l'Etat », etc.....
Mais c'est dans une autre branche de l'assurance que De Courcy donna la plus grande part de son activité. Après l'assurance sur la vie, il fut appelé en 1862 à la direction de la "Compagnie Générale d'Assurances Maritimes ». Durant toutes ces années, il donna à l'assurance maritime française de nombreux ouvrages dont certains font encore autorité aujourd'hui. Parmi eux, il faut placer les quatre volumes des « questions de Droit Maritime » publiés entre 1877 et 1888, et de nombreux ouvrages ou articles comme son mémoire sur « l'exagération des valeurs assurées » (qui peut encore avoir une résonance en 2015....). Il fonda ainsi la société de secours aux familles des marins français naufragés (1879). Un grand nombre de ses ouvrages est disponible sur Gallica.
Mais il exerça également son talent dans d'autres domaines.
Sur le terrain social, il est membre honoraire de deux sociétés de secours mutuels et en préside une autre. En outre, il présente un projet de caisse de retraite pour les employés de l'Etat, qui ne vera jamais le jour, mais qui en dit long sur ses qualités anticipatrices. [...] les prises de positions D'Alfred de Courcy dans le domaine de la prévoyance sociale expriment un choix des plus clairs enfaveur du développement de l'assurance privée. Il porte un regard sans complaisance sur les sociétés de secours mutuels, qu'il juge inefficaces et auxquelles il reproche d'encourager, par leurs prestations, la paresse et l'improbité de leurs adhérents.
Prêchant pour sa chapelle, il préconise le recours à l'assureur de métier plutôt qu'à l'assurance-mutuelle, car "une institution d'assistance réciproque aboutit à des procès, à des inimitiés et l'association se détraque" (A. de Courcy, De l'assurance par l'Etat, 1894). Bien plus, l'unicité de cotisation, principe de base du fonctionnement mutualiste, lui semble une duperie pour les assurés les moins exposés, car "dans toute question d'assurance, la prime doit être l'expression du risque" (ibid.). [...]. Attaché à l'initiative privée et donc opposé à une assurance étarisée, Alfred de Courcy se trouve à l'origine du refus d'agrément de la Caisse générale des assurances agricoles pour garantir les risques du monde paysan, en 1857. Catholique convaincu, il s'est aussi longuement préoccupé du sort des ouvriers qui pouvaient être accidentés dans l'exercice de leur profession et publia sur ce sujet en 1886 « Le droit et les ouvriers ».
En 1876, il publie « l'institution des caisses de prévoyance » ou il affirme et précise sa doctrine qu'il a la satisfaction de voir adoptée par des sociétés privées, des industriels. Toutes les classes de la société sont solidaires. Il faut que toutes participent à l'oeuvre commune.
Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1886 à la suite de son travail avec Armand Behic, ministre du commerce, en vue de la réfection du Code de Commerce. Il meurt brutalement en 1888.
Pour l'anecdote, et pour saluer cet homme brillant, le Moniteur des Assurances parut encadré de noir. Les journaux financiers ont publié la liste des 70 ouvrages sur les assurances et l'économie sociale dont Alfred est l'auteur ; M. Edmond Biré, dans ses Causeries littéraires, a analysé dans le journal L'Univers ses romans et ses nouvelles. Les navires ancrés dans le port du Havre mirent leurs pavillons en berne et leurs vergues en pantenne, en témoignage de leur sympathie pour le Directeur des Assurances maritimes et le fondateur de la Société de secours aux familles des marins naufragés.
Une stèle fut érigée à son honneur à Saint Malo, Quai Pierre Loti. Inaugurée le 20 mars 1905, elle fut enlevée le le 30 janvier 1942 et le buste fût fondu. Le socle resté vide n'est pas conservé et aucun remplacement du buste n'a jamais été envisagé
Les détails de l'ouvrage sont disponibles ici. Un lien pour le télécharger peut vous être envoyé sur demande.
Lorsque l'on parle de faire évoluer la règlementation relative à l'emploi "dockers" ou du personnel portuaire, il est peu de dire que les gouvernements s'attaquant à ce sujet prennent le plus souvent des risques, et notamment celui de voir les ports « s’enflammer ».
Que ce soit la réforme de 2008 sur les ports maritimes ou plus encore celle de 1992 réformant profondément le système d'emploi du personnel docker, aucune ne s'est vraiment déroulée sans accrocs et certaines des conséquences des précédentes réformes ne sont d’ailleurs toujours pas complètement digérées par les communautés portuaires qui doivent les appliquer au jour le jour.
Il reste des « foyers » de tension, notamment entre ce qui relève (ou pas) de l’emploi dockers.
Alors, voir une nouvelle évolution de la règlementation arriver au Parlement, sans que cela ne suscite la moindre manifestation ou le moindre émoi de la communauté des dockers et du principal syndicat (CGT Ports & Docks et FNDP) est surprenant, pour ne pas dire plus.
Il faut dire que le texte a été préparé très en amont (....) depuis plusieurs mois et qu’un rapport écrit sous la plume de Martine Bonny, bien connue du monde portuaire, gardé totalement confidentiel jusqu’à la proposition de loi (sic), avait largement préparé le terrain de ce qui ressemble, de manière plus ou moins affirmée, à renforcer encore le monopole de la main d’oeuvre dockers dans les ports français.
Pourquoi une telle évolution législative, 23 ans après la difficile et pénible réforme de la manutention dont les effets se font encore sentir et 7 ans après celle des port qui a vu la main d’oeuvre portuaire réunie sous une seule et même bannière, celle des manutentionnaires, et une seule et unique convention collective.
Les documents préparatoires de la Loi, et notamment le rapport de Madame Bonny retracent et expliquent l’historique de cette nouvelle « poussée législative ».
L’origine du conflit était une interprétation littérale et combinée de plusieurs articles du Code des Transports (ex Code des Ports Maritimes) amenant à la conclusion que la priorité d'embauche des dockers ne valait que dans les ports ou il y avait encore la présence de dockers intermittents, ce qui revenait, de facto, à écarter la priorité d'embauche dans la quasi-totalité des ports français, cette catégorie de main d’œuvre dockers ayant quasiment disparu avec la mise en œuvre de la réforme de 1992.