Il ne manquait plus que ce texte pour que le dispositif législatif et règlementaire soit complet et permette (enfin diront certains) à des entreprises françaises d'exercer l'activité de protection privée des navires.
Ce texte, un arrêté daté du 7 janvier 2015 "relatif à l'aptitude professionnelle des dirigeants et des salariés des entreprises privées de protection des navires et relatif aux agréments des organismes délivrant une formation professionnelle aux dirigeants et agents des entreprises privées de protection des navires" a été publié au Journal officiel du 20 janvier.
Cet arrêté précise les compétences et liste les connaissances qui sont exigées des dirigeants et candidats à l'exercice de cette profession. Il définit aussi les modalités d'agrément des organismes délivrant les formations professionnelles.
Le chapitre I définit les aptitudes professionnelles des dirigeants et salariés des entreprises privées de protection des navires.
Le chapitre II traite de l'agrément des prestataires délivrant la formation professionnelle aux dirigeants et agents des entreprises privées de protection des navires.
Chacun pourra, à la lecture de ce texte, mesurer que les connaissances à acquérir sont relativement importantes.
Désormais, et maintenant que "l'arsenal législatif" est complet, il conviendra d'en faire un bilan d'ici quelques mois afin de voir si des vocations se sont révélées, à l'heure ou la piraterie somalienne ne fait plus vraiment parler d'elle, pas plus celle du Golfe de Guinée qui semble également sous contrôle. Il faudra également faire le bilan de l'ensemble des contraintes mises à la charge de ces entreprises à l'aune des multiples faillites et cessations d'activités qui s'opèrent régulièrement dans ce secteur de la protection privée des navires.
Sans leur publication, il était encore impossible pour les sociétés candidates de proposer leurs services aux armateurs désireux de protéger leurs navires dans les zones à risque. Il reste encore un arrété important à publier mais l'essentiel du corpus législatif est désormais publié au journal officiel.
Ces textes viennent préciser la Loi 2014-742 du 1er juillet 2014 dont l'accouchement avait été long et difficile.....
Le premier de ces textes est un arrêté pris par le Premier Ministre définissant les zones à l'intérieur desquelles la protection des navires est autorisée. Ce principe des zones a longtemps été débattu par les parlementaires qui se sont finalement accordés sur le principe d'un arrêté dont la modification est bien plus simple que celle d'un Décret et à fortiori d'une Loi.
L'arrêté définit deux zones dans lesquelles les équipes seront autorisées. Sans surprises, il s'agit de la côte Ouest de l'Afrique (Guinée, Nigéria, etc..) et une partie de l'Ocean Indien entre la Somalie et l'Inde. On notera que les zones définies par cet arrêté ne se superposent pas réellement avec les zones de guerre telles que définies dans les circulaires du "Joint War Comittee" ou celles du "Norwegian Shipowner's Mutual War Risk Insurance Association". Cette non-superposition des zones pourrait poser quelques problèmes aux armateurs dont les assureurs imposeraient la présence de gardes armés à bord en cas de transit dans les zones "risques de guerre" correspondant à leur couverture d'assurance. Si la zone n'est pas "couverte" par celles définies dans l'arrêté, l'armateur ne pourra pas légalement disposer de gardes armés à son bord. Les zones de "non-superposition" sont minimes mais il suffit d'une fois.....
Les rapports de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) sont toujours plein d'enseignements et sont d'excellentes synthèses des problèmes relevant de la compétence de cet organisme dépendant des nations unies.
Celui publié en août 2014 sur la piraterie ne fait pas exception même s'il arrive sans doute un peu tard, le phénomène semblant désormais "sous contrôle" dans la plupart des zones ou il avait ressurgi (Somalie principalement).
Ce rapport revient donc sur la brusque augmentation du phénomène, rappelant qu'au cours de la période 2006-2010, les actes de piraterie ont augmenté de 86,2 % dans le monde entier, avec le nombre d'attaques et les tentatives passant de 239 en 2006 à 445 en 2010".
Ce rapport insiste également sur le fait que La piraterie perturbe les flux de transport et de commerce ainsi que d'autres activités économiques, telles que la pêche et la production d'énergie. Le commerce international est particulièrement vulnérable aux pirates, selon la CNUCED, et ce notamment en raison du fait que la moitié du commerce mondial des marchandises concerne des relations commerciales entre partenaires qui sont souvent à plus de 1850 miles de distance, impliquant ainsi que les marchandises sont «principalement transportées par mer sur des itinéraires internationaux établis et des voies commerciales" (ne pas oublier que la CNUCED raisonne vraiment au global sur le périmètre transport).
Les milliers de conteneurs transportés à bord des navires transportent fréquemment des aliments présents dans nos assiettes depuis l'autre côté du monde. Ces "Kilomètres alimentaires" sont, depuis que le phénomène est devenu connu, une préoccupation croissante avec notamment les militants écologistes, car il est parfois plus "écologique d'importer de la nourriture par la mer de Nouvelle-Zélande en raison de leurs méthodes de production que de conduire un camion à travers le Royaume-Uni.
Quoi qu'il en soit, pour la CNUCED, il faut noter que "la piraterie mondiale affecte tous les navires, quel que soit leur type ... Cependant, pétroliers, porte-conteneurs et les vraquiers demeurent parmi les principales cibles en raison de leur grande valeur économique et compte tenu de leur rôle stratégique dans le transport des marchandises et de l'énergie dans le commerce mondial.
"Un facteur supplémentaire dans le cas des pétroliers et des vraquiers est la vitesse relativement faible au cours de laquelle ils opèrent et leur« faible hauteur »par rapport à la mer, ce qui facilite l'assaut par des pirates."
Le rapport retrace l'évolution de la carte de la piraterie dans le monde, de l'Extrême-Orient vers le Moyen-Orient. "L'escalade rapide de l'activité de piraterie au large des côtes de la Somalie depuis 2006 a particulièrement surpris la communauté internationale, avec des actes de piraterie en Afrique de l'Est ... dépassant ceux de quelques-uns des points chauds traditionnels mondiaux de la piraterie comme l'Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Philippines."
Le rapport note aussi l'utilisation de plus en plus fréquente de la violence dans les incidents de piraterie. "Entre 2005 et 2012, 61 marins ont été tués à la suite de la piraterie et 5420 ont été pris en otage sur quelques 279 navires détournés dans le monde entier. "
Décrivant la piraterie comme un "défi de la sécurité transnationale", la CNUCED affirme que l'Union européenne, l'OTAN et l'Union africaine ont joué un rôle actif dans la lutte contre les pirates opérant dans les eaux d'Afrique de l'Est - avec les marines de plusieurs payes et les gardes de sécurité privés armés ont été déployés sur les navires.
Mais en fin de compte, dit la Cnuced: «Relever le défi de manière efficace, il faut une forte coopération aux niveaux politiques, économiques, juridiques, diplomatiques et militaires, ainsi que la collaboration entre les divers intervenants des secteurs public et privé à travers les régions."
On regrettera, dans ce rapport, l'utilisation de données issues de l'ONG "One Earth Future" à qui la CNUCED, comme d'autres, fait une publicité non méritée et dont on rappellera encore une fois le caractère fantaisiste des coûts présumés de la piraterie dans le monde.
Ce rapport reste néanmoins une bonne synthèse du phénomène au jour de sa publication. Les rapports sont disponibles en téléchargement sur le site de la CUNCED ici.
Avec quelques mois de retard sur le calendrier prévu (les Décrets étaient en effet attendus à la rentrée 2014), les services du premier Ministre et le Ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'Energie vient de publier une série de Décrets et un arrêté venant compléter la Loi Loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires. L'arrété du premier ministre vient définir les zones dans lesquelles les navires pourront bénéficier de la protection de ces sociétés. Quant aux Décrets, ils viennent préciser les modalités d'utilisation de ces sociétés et notamment les armements qui seront autorisés. Les sociétés "candiates" vont donc pouvoir désormais bénéficier d'un "corpus législatif" complet leur permettant d'exercer leurs activités sur les navires battant pavillon français. On notera également que l'un des Décrets mentionne les références "qualité" que devront respecter ces entreprises pour pouvoir exercer. Il ne sera pas forcément facile pour toutes de les obtenir. Notons aussi que l'armement autorisé s'avère relativement restreint, avec une autorisation pour des armes dont le calibre est inférieur à 12,7 mm. Exit donc les mitrailleses en sabord... Nous reviendrons très vite avec une lecture plus fouillée de ces textes.
Voici les textes publiés ce jours :
1 Arrêté du 28 novembre 2014 fixant les zones dans lesquelles les entreprises privées de protection des navires peuvent exercer leur activité
2 Décret n° 2014-1415 du 28 novembre 2014 relatif aux conditions d'exercice de l'activité privée de protection des navires
3 Décret n° 2014-1416 du 28 novembre 2014 relatif aux modalités d'exercice de l'activité privée de protection des navires
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029813086&dateTexte=&categorieLien=id
4 Décret n° 2014-1417 du 28 novembre 2014 relatif aux normes et référentiels admis en application de l'article L. 616-1 du code de la sécurité intérieure
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029813117&dateTexte=&categorieLien=id
5 Décret n° 2014-1418 du 28 novembre 2014 pris pour l'application de l'article L. 5442-1 du code des transports
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029813131&dateTexte=&categorieLien=id
6 Décret n° 2014-1419 du 28 novembre 2014 pris pour l'application des dispositions du titre IV du livre IV de la cinquième partie du code des transports et relatif aux modalités d'exercice de l'activité privée de protection des navires
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029813142&dateTexte=&categorieLien=id
Si l'on cherche des sujets de consensus entre la droite et la gauche, celui des Sociétés de Protection Embarquées est un bon exemple.
Au-delà de l'urgence affichée par les armateurs , et malgré un calendrier législatif plus qu'encombré et ayant failli conduire le projet de Loi sur une voie de garage d'où il aurait eu bien du mal à ressortir, le gouvernement et le parlement ont voulu aller très vite sur ce dossier qui « trainait » depuis bientôt 5 ans dans les ministères.
Le texte, présenté en Conseil des Ministres début janvier a finalement été adopté après un long chemin parlementaire et un accouchement difficile ayant nécessité de passer par la procédure de la commission mixte paritaire, les deux assemblées ne s'étant pas mises d'accord sur un texte identique en première lecture.
Le projet gouvernemental a été sérieusement modifié ; Celui-ci souffrait de nombreuses faiblesses, majoritairement gommées au fil des travaux parlementaires, et notamment d'une trop grande complexité dans sa mise en œuvre, renvoyant à un nombre impressionnant de décrets d'application.
Il aura également fallu un nombre tout aussi impressionnant de rapports, de comptes rendus de commissions et de débats pour arriver à ce texte .
Sans s'attarder sur tous ces rapports, je me dois quand même d'afficher un certain étonnement devant certaines des sources utilisées pour justifier le texte de Loi.
Ainsi, le député Leroy fait-il référence à l'organisation "One Earth Future" dont les chiffres relatifs aux coûts présumés de la piraterie en Somalie sont totalement farfelus .
Maintenant que le texte est adopté, il ne reste plus qu'à attendre les décrets d'application qui sont nécessaires pour que la Loi puisse trouver à s'appliquer. Le Gouvernement semble, là aussi, vouloir aller vite.
L'objectif affiché est de saisir le Conseil d'État en ce début d'été et de publier à la rentrée, permettant dans la foulée la signature des décrets simples, ceux relatifs notamment au nombre d'armes, aux modalités de gestion des embarquements et débarquements, aux navires non éligibles, ainsi que des arrêtés, relatifs au contenu précis de la formation et à la tenue des registres.