Si tout se passe comme prévu, ce lundi 16 septembre devrait faire date dans l'histoire du monde maritime. Jamais en effet une opération de cette envergure n'aura été menée pour renflouer un navire de la taille du COSTA CONCORDIA. Voila maintenant près d'un an que plus de 500 personnes, appartenant aux sociétés Titan et Micoperi, conglomérat choisi par le P&I Club pour mettre en œuvre les opérations relèvement et du retirement du navire, s'affairent sur l'île du Giglio.
L'autorisation formelle a été donnée vendredi 6 septembre, par l'autorité italienne de la Protection Civile. D'ultimes inspections techniques sur l'ensemble des supports et matériels de levage disposés autour du navire sont en cours avant que les autorisations finales ne puissent être données.
Les photos aériennes donnent une idée assez précise de l'envergure de l'opération qui sera menée lorsque les conditions de mer et de météo seront optimales. Une fois relevé et équilibré grâce à un système de caissons spécialement conçus par les chantiers Fincantieri, le Concordia pourra être remorqué vers un port de déconstruction. Les opérations de sauvetage sont menées par les en collaboration avec les autorités italiennes.
Cette opération s'annonce également comme étant l'une des plus coûteuses pour les assureurs. Au delà du prix du navire (USD 510 millions en valeur d'assurance), le coût prévisionnel du relèvement estimé initialement à USD 300 millions de dollars a littéralement explosé pour arriver aujourd'hui à près de 800 millions de dollars. Autrement dit, le coût du sinistre dépassera très nettement le milliard de dollars.
Les retombées du sinistre du Costa Concordia devraient être susceptibles d'avoir un impact dans le monde, pas seulement sur les propriétaires et exploitants de navires, mais aussi sur leurs assureurs et réassureurs. En effet, le montant total pourrait avoisiner près de 1,4 milliard de dollars US en tenant compte des réclamations faites par les passagers et/ou leurs ayants droits mais également les collectivités locales, l'équipage, etc....
Le nombre et le montant des réclamations ne sont pas encore connus à ce jour mais ce sinistre résonnera dans tout le secteur du transport maritime et dans le marché de l'assurance au sens large.
De très nombreux demandeurs se sont précipités vers les Etats Unis ont où les dommages-intérêts punitifs sont attribués et où la Convention d'Athènes ( qui limite la responsabilité pour les réclamations des passagers ) ne s'applique pas, et ce même si une décision récente de la Floride semble avoir mis un terme à cela, constatant que Costa pouvait valablement opposer la clause attributive de juridiction figurant dans ses condittions générales de réservation, ce qui devrait pouvoir permettre à COSTA et à ses assureurs de limiter le montant des dommages et intérêts à verser mais également d'avoir l'Italie comme "forum";
Après cet accident, et l'accumulation des réclamations, les prévisions de fortes hausses des prix du marché de l'assurance corps n'étaient pas surprenantes et étaient même attendues. C'est cependant l'inverse qui s'est produit, avec pourtant un sinistre représentant entre 6% et 7 % de l'encaissement mondial des primes corps. La surcapacité en termes d'offre est telle que les taux ont poursuivi leur baisse et que le marché corps a continué à souffrir de pertes pour la 16e année consécutive, sans aucune réelle perspective de renversement de tendance .
On aurait également pu s'attendre à ce que la répartition de ce type de risque sur l'ensemble du marché aurait pour conséquence que la survenance d'une telle catastrophe ait une incidence sur l'ensemble du marché. Cependant, encore une fois, celà ne s'est pas produit. L'assurance corps du Costa Concordia a été répartie sur 28 souscripteurs, soit un très petit nombre en comparaison avec le grand nombre d'assureurs qui opèrent actuellement sur le marché corps (bien que les quatre plus grands assureurs représentent plus de 50 % du risque , et les dix premiers représentent plus de 90%). En conséquence, il y a une division dans le marché corps entre l'effet sur le petit nombre d'assureurs touchés par l'accident et qui sont donc susceptibles d'augmenter les taux, et la majorité des assureurs, qui ne sont pas touchés et pour lesquels les affaires continuent comme d'habitude.
L'incident Costa Concordia est également l'illustration qu'il faut plus d'un sinistre majeur pour influer sur les taux . L'exemple du RENA montre en effet que le marché "corps" a été peu réceptif et réactif à cette perte. Le courtier Willis a averti que les «coûts du Costa Concordia dépendront en définitive des sommes qui devront être payées au titre de la responsabilité ". Il y a également un effet retardateur avant que les pertes n'affectent les comptes des réassureurs au fil du paiement des sinistres et que la réaction ne se fasse pour finalement avoir réellement un impact sur le marché avec des primes plus élevées.
La réaction viendra probablement en effet du marché de la réassurance qui avait également annoncé une hausse des taux à la suite de l'incident Costa Concordia. Mais bien que les pertes totales estimées sont inhabituellement élevées pour le marché maritime , elles ne sont pas aussi importantes que celles causées par les catastrophes naturelles qui affectent le marché de la réassurance , comme le tremblement de terre et du tsunami japonais en Mars 2011, ou Superstorm Sandy aux Etats-Unis en Novembre 2012 . On estime ainsi que les coûts du tremblement de terre et du tsunami japonais, par exemple, était de 210 milliards de dollars US , dont 35 $ US à 40 milliards de dollars est réassurée.
Il n'est donc pas surprenant que l'estimation de 1 milliard de dollars pour le sinistre du Costa Concordia n'est pas eu (pour l'instant) l'effet annoncé sur les primes. Toutefois, l'effet combiné de ces incidents conduira inévitablement à un marché de la réassurance plus serré et sélectif sur les risques, et qui sera susceptible d'avoir un effet en temps voulu en bas de la chaîne de l'assurance.
En revanche , le secteur P & I se trouve impacté de manière beaucoup plus directe et immédiate. En particulier, les Clubs qui souscrivent des risques pour les opérateurs de croisière devraient faire face à une augmentation du coût de leur couverture au sein de l'International Group, qui connaît avec le COSTA CONCORDIA l'un de ses plus grands sinistre et qui est donc susceptible de faire face à une augmentation de ses coûts de réassurance, avec pour conséquence une répercution sur les primes payées par les armateurs eux-mêmes.
Il faut dire que le coût du sinistre ne cesse d'augmenter. Au delà du coût représenté par la perte totale du navire (USD 510 millions en valeur d'assurance), le coût prévisionnel du relèvement estimé initialement à USD 300 millions de dollars a littéralement explosé pour arriver aujourd'hui à près de 800 millions de dollars.
Autrement dit, le coût global du sinistre dépassera très nettement le milliard de dollars pour être désormais estimé à 1.17 milliard de dollars. Au début de l'année, la réserve du P&I pour ce sinistre n'était "que" de 650 millions de dollars. "L'estimation pour l'enlèvement de l'épave, y compris l'enlèvement des soutes, le gardiennage, a été augmenté d'environ 544m $ à environ 917m $», a déclaré Andrew Bardot, secrétaire et directeur général de l'International Group. Le supplément 200 millions de dollars concerne les réclamations de tiers pour des blessures et la mort de passagers. M. Bardot a déclaré que l'augmentation reflétait la complexité du retirement qui prend beaucoup plus de temps que prévu, en partie à cause de mauvaises conditions météorologiques. Il y a également des coûts supplémentaires, comme les "flotteurs extérieurs de flottabilité, les travaux sous-marins, l'ingénierie, la surveillance, le personnel, les mesures d'atténuation des risques et des actifs supplémentaires déployés pour tenter d'accélérer les travaux". Le Concordia n'est pas encore debout, et ne sera pas remis à flot avant 2014 au plus tôt.
Plus largement, avec des navires dont la taille ne cesse de croître, en particulier des navires de croisière et des porte-conteneurs de plus en plus grands, les P & I Clubs semblent devoir à faire face à d'autres problèmes dans un avenir proche lorsque des incidents se produisent avec ces navires.
Il semble évident que ce ne soit qu'une question de temps avant que des navires comme les triple-E de Maersk ou des navires de croisière comme l'Oasis of the Seas subissent un accident majeur ; Il restera alors à savoir si le marché corps sera en mesure de continuer à souscrire "as usual" après un tel désastre.
Avec des navires plus grands, la valeur élevée du fret ( potentiellement à 2 milliards de dollars sur un 18.000 evp navire porte-conteneurs ) et des réclamation de passagers / équipage (plus de 8.000 personnes se trouvent à bord des plus grands des navires de croisière, bien au-delà des 4.000 du Costa Concordia), ajoutés à la valeur assurée du navire, pourrait conduire à des réclamations allant très au-delà de la valeur du navire, et pouvant dépasser les capacités de l'ensemble du marché de l'assurance maritime.
Dans l'immédiat, ne boudons pas notre plaisir face à ce qui devrait rester comme une très grande prouesse technique.