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Petite histoire de la responsabilité des pilotes maritimes *


kidd-gibetAprès Paul Watson le pirate, mes lectures m'ont renvoyé au XVIIième siècle, dans "les Us et Coutumes de la Mer" dont les hasards de la navigation sur Internet m'ont permis de faire l'acquisition.

Ecrit par Cleirac, cet ouvrage, qui reste un des fondements du Droit Maritime Français, rassemble plusieurs textes anciens comme le Guidon de la Mer ou les ordonnances d'Amsterdam sur les Assurances, celles de Wisby sur le commerce maritime, la juridiction de la Marine ou d'Amirauté, etc...

On y trouve aussi les rôles d'Oléron, recueil de jugements compilés en un code à la fin du XIIième siècle et dont l'origine serait une décision de la Reine Aliénor d'Aquitaine. Cette origine, quoique non confirmée et discutée[1], a donné et donne toujours à l'ouvrage un caractère unique dont la renommée a largement dépassé les côtes Aquitaines[2]. Ces jugements concernent aussi bien les marins que les marchands, les capitaines, les affréteurs, les navires, la cargaison, les manœuvres, etc...

Mais parmi ces jugements, ce sont les numéros XXIII et XXIV consacrés aux pilotes et à leur responsabilité en cas de naufrage qui ont particulièrement attiré notre attention. Et ce qu'ils en disent est si contrastant avec le régime prévalant actuellement qu'il nous est apparu intéressant de s'attarder sur un sujet qui demeure d'actualité, les dernières évolutions datant d'il y a à peine trois ans lors de la publication du Code des Transports.

Nous avons donc remonté le temps, aussi loin que cela était possible, afin de pouvoir livrer cette petite page d'histoire du Droit Maritime sur un sujet qui demeure très polémique dans le monde maritime.

Et il faut remonter loin car, comme le souligne le Doyen Ripert[3], le pilote est un des plus anciens personnages que nous présente le Droit Maritime.

Mais avant de de démarrer ce voyage, plusieurs points à préciser. Tout d’abord, sur la fonction même de pilote qui a évolué avec le temps.

Ainsi, et au moins jusqu'à l'ordonnance sur la Marine de 1681, coexistaient juridiquement deux sortes de pilotes : Les pilotes hauturiers et les pilotes côtiers ou lamaneurs. Le premier faisait partie de la communauté du bord en sa qualité de "sachant" pour tout ce qui concernait la navigation. Sa fonction était de mener le bateau à bon port, lui seul connaissant les routes et disposant des connaissances nécessaires en matière de navigation. A ce titre, il prenait place à côté du capitaine, qui n'a longtemps été qu'un chef administratif du navire. Mais, avec le temps, la formation et le rôle à bord du capitaine finirent par se confondre avec les fonctions du pilote, entraînant la quasi-disparition de sa fonction à bord.

Par opposition, le pilote dont nous parlons aujourd'hui s'apparente à ce que les textes anciens appelaient le "locman"[4] ou lamaneur et dont la fonction consistait à amener le bateau à quai lorsqu'il s'approchait des côtes. Les deux fonctions sont bien distinctes mais ont eu longtemps des règles similaires, l'histoire retenant que l'un et l'autre endossaient globalement les mêmes responsabilités en cas de naufrage.

Par ailleurs, les textes anciens, au-delà de confondre les deux fonctions, mêlent aussi très souvent la responsabilité civile et pénale des pilotes, les deux régimes ayant été pendant longtemps régis par des textes identiques, ou dans le silence du texte régissant la matière, par le Droit Commun (notamment en ce qui concerne la responsabilité civile)[5].

Enfin, les textes sont rarement complètement explicites sur les responsabilités encourues, notamment à l’égard des tiers, mais nous verrons que les évolutions législatives les plus récentes ne sont pas exemptes de critiques et qu’elles vont étrangement faire l’impasse sur ce qui était la préoccupation principale des législateurs des temps anciens.

A chaque étape de notre périple, nous essaierons donc de dissocier les points de la responsabilité civile du pilote vis-à-vis des tiers, celle du pilote vis-à-vis du navire piloté, mais également sa responsabilité pénale ou disciplinaire.

I – De Démosthène à Colbert

Mais commençons par le début. Notre voyage dans le temps commence au temps de la Grèce antique avec Démosthène[6] qui, dans son deuxième plaidoyer contre Aristogiton, évoque le pilote de navire et compare ses fautes à celles commises par les magistrats et les hommes publics : "Sur Mer, la faute commise par un matelot peut n'avoir de suites fâcheuses pour l'équipage ; mais, par ses distractions ou ses méprises, le pilote compromet la vie de tous ses passagers. Il en est de même du vaisseau de l'Etat. L'erreur du simple citoyen retombe, d'ordinaire, sur lui seul ; mais celle du magistrat, de l'homme politique a un retentissement universel. Voilà pourquoi Solon a voulu que le supplice infligé à un particulier pût être tardif, mais qu'on punit sur le champ un magistrat coupable ».

Quant au sort du magistrat, l'histoire nous apprend qu’Aristogiton fut emprisonné et condamné à boire la cigüe. Il est donc assez probable que les peines prononcées contre les pilotes coupables de naufrage, volontaire et/ou involontaire fussent en ces temps très sévères, avec la mort comme sanction la plus probable.

Poursuivons avec le Droit Romain qui connaissait lui aussi la fonction de pilote. On en retrouve ainsi la trace sous la plume d'Ulpien dans le livre XXII de son commentaire sur l'Edit du prêteur[7].

Ce fragment pose néanmoins quelques difficultés car il a reçu plusieurs traductions.

Certains auteurs[8] le traduisent par « si un pilote fait entrer son vaisseau dans un fleuve sans avoir personne pour le gouverner, et qu'une tempête venant à s'élever il ne puisse être le maitre de son vaisseau, et soit obligé de le laisser périr, ceux qui ont chargé le vaisseau auront contre lui l'action du loyer »

Ce texte, traduit ainsi, ouvre un recours en responsabilité contre le pilote fautif.

Pour d’autres auteurs, comme Emérigon[9], Pardessus[10], ou Cauchy[11], la traduction serait plutôt « si un capitaine fait entrer son vaisseau dans un fleuve sans pilote, et qu’une tempête venant à s’élever il ne puisse être le maître de son vaisseau, et soit obligé de le laisser périr, ceux qui auront chargé le vaisseau auront contre lui l’action du loyer ».

Cette traduction ne concernerait pas directement la responsabilité civile du pilote, mais plutôt l’obligation faite au capitaine d’en prendre un lorsqu’il aborde des côtes inconnues de lui.

Quelle que soit la traduction, elle permet néanmoins de conforter l'idée qu'il existait bien dès cette époque des pilotes de "rivière" ou de côtes, dont la mission était d'éviter les pièges du rivage aux navires désirant s'en approcher.

Nous n’avons cependant trouvé trace d’une quelconque sanction pénale qui pouvait être infligée au pilote en cas de naufrage.

Il est cependant assez probable qu’il existait un principe de responsabilité pénale du pilote en cas d’avarie ou de naufrage du navire dont il avait pris la direction et que les sanctions étaient d’une sévérité similaire à celle que l’on suppose qu’elles fussent chez les grecs.

Aucun de ces textes n’offre cependant pas de réponses quant aux responsabilités pouvant être encoures en cas de dommages causés aux tiers par le navire à bord duquel se trouvait le pilote.

Il faudra ensuite attendre plusieurs siècles pour que de nouvelles règles apparaissent et/ou nous parviennent.

Nous sommes maintenant au moyen-âge, entre les XIIième et XIVième siècles, époque à laquelle est publié le Consulat de la Mer, recueil de jurisprudence maritime contenant les règles et les usages de droit commercial et maritime en vigueur dans les ports de la Méditerranée.[12]

Ce texte contient plusieurs articles ou il est question du pilote mais celui concernant notre propos est l'article CCL (250) ; Celui-ci dispose que « Seigneur de navire qui sera nolisé pour aller en quelque lieu, dans lequel ni lui ni autre homme du navire n'est certain d'y parvenir, et que dans ce cas il soit obligé de louer un pilote qui sache y d'y aller ; si le pilote qui se propose de prendre, affirme et dit au seigneur qu'il saura le conduire, qu'il est certain du lieu où il veut aller, et qu'il n'y a pas une partie dans ce lieu qu'il ne connaisse; si ce pilote tient tout ce qu'il promet bien et diligemment, le seigneur est tenu de lui donner tout le loyer convenu, et ce, sans contestation. Encore il est tenu de lui donner plus qu'il ne lui aurait promis, suivant sa bonté et valeur, parce qu'il aura tenu tout ce dont à quoi il s'était engagé. Toutes les conventions qui auront été faites entre le seigneur et le pilote, doivent être inscrites dans le cartulaire du navire, afin d'éviter les contestations.

Si, par aventure, ce pilote ne sait pas conduire le navire dans le lieu où il doit aller, il doit perdre incontinent la tête sans rémission et sans merci, le seigneur peut la lui faire casser, car il n'est point tenu, d'en faire la demande à la seigneurie, s'il ne le veut, et ce, parce que ce pilote l'aura trompé, et mis à même de perdre tous ceux qui étaient dans le navire, le navire, et l'avoir dont il est chargé.

Lorsqu'il s'agit de casser la tête a pilote, avant que d'en venir là, le nocher, les marchands, et toute la communauté du navire, doivent être consultés par le patron; et si tous, ou la majeure partie, décident qu'il doit perdre la tête, il doit la perdre : mais si au contraire il leur semble qu'il ne doit pas la perdre, il ne doit pas être supplicié ainsi il doit être fait tout ce qui aura été jugé devoir se faire.

Cela est ainsi décidé, parce qu'il pourrait arriver qu'un seigneur de navire, ayant la haine contre ce pilote, voulût le sacrifier, afin que son loyer lui restât, car il y a des seigneurs qui ont aussi peu de sentiment que d'autres hommes.

Encore plus, parce qu'il y a beaucoup de patrons qui ne savent qu'aller en avant pendant qu'il y en a d'autres qui ne savent ce que veut dire le mot mer ; c'est pourquoi il serait dangereux qu'un homme fût mort, d'après la résolution et la seule connaissance du seigneur du navire. Ainsi tout homme qui se donne pour pilote, doit prendre garde, avant que d'entreprendre un voyage, s'il est capable de tenir tout ce qu'il aura promis, pour que la peine mentionnée, ou tout autre, ne lui puisse être appliquée ».

Cet article nous renseigne très précisément sur l’obligation de résultat qui était attendue du pilote et le moins que l’on puisse dire, c’est que le pilote avait intérêt à bien connaître son art et à mener le navire à bon port, faute de quoi le seigneur du navire, après avis pris auprès de la communauté du bord (et ce afin d’éviter la tentation pour ledit seigneur de ne pas avoir à payer le pilote….), pouvait le mettre à mort.

Le texte est sans concession puisqu’il ne prévoit aucune demi-mesure. Soit le pilote était « gracié » par la communauté du bord, soit il perdait sa tête.

Nulle mention de sa responsabilité pécuniaire en cas de naufrage ou d’avarie mais on peut supposer, comme dans ce que prévoient les jugements d’Oléron, que le pilote se devait d’indemniser les marchands lorsqu’il sauvait sa tête.

Le texte ne mentionne pas non plus une éventuelle responsabilité vis-à-vis des tiers à l’occasion d’un dommage causé par le navire piloté (avec toujours cette limite que la notion de navire piloté diffère assez largement de celle que nous connaissons aujourd’hui).

A la même époque, sur la côte atlantique, se compilent les jugements d'Oléron dont nous avons déjà dit quelques mots et dont les numéros XXIII et XXIV sont spécifiquement consacrés aux pilotes.

Ces articles, dont il existe plusieurs versions[13], disposent que (XXIII) « Item, si un Locmam prend une Nef pour mener à Saint Malo, ou autre lieu; s'il manque, & ladite Nef s'empire par sa faute et qu'il ne sache conduire & par ce moyen les Marchands reçoivent dommage, il est tenu de rendre lesdits dommages, & s'il n'a dequoy, doit avoir la teste coupée » et que (XXIV) « si le Maître, ou aucun des Mariniers, ou aucun des Marchands luy coupent la teste, ils ne feront pas tenus de payer l'amendement: mais toutefois l'on doit savoir avant le faire, s'il a dequoy »[14]

Ces deux articles visent la perte involontaire du navire. Dans son commentaire, Cleirac[15] indique que « cette sanction d'avoir la tête tranchée est empruntée au consulat de la Mer, lequel ordonne, on l’a vu, de couper la tête aux Pilotes fautifs & ignorants, lesquels au lieu d'éviter mènent dans les dangers ». Cleirac précise aussi que cette brusque exécution était ordonnée pour éviter les procès mais que désormais, il fallait l'approbation de la justice (vaste progrès…).

Ce texte embrasse également la réparation du dommage puisque la peine capitale n’est appliquée qu’à défaut de paiement et de désintéressement des marchands quant aux dommages subis[16]. Cleirac précise également que « le paiement fait sur la personne, quand la peine pécuniaire est convertie en corporelle, libère non seulement celui qui la souffre, mais aussi tous ses pledges & condebiteurs ». Il cite notamment un Arrêt d'Audience au Parlement de Bordeaux, le 7 Avril 1611 disposant que le Lamaneur payant en son corps, le Maître reste libéré envers les Bourgeois et les Marchands. On distingue également au travers de cet article et de ce jugement une organisation du bord radicalement différente de celle qui prévaut aujourd’hui.

La tête du marchand permet ainsi au maître du navire de s’affranchir de toute responsabilité.

Notons quand même que si les marchands ne demandent pas la tête du pilote, celui-ci ne sera par contre pas autorisé à réclamer son dû au titre du pilotage mal mené. Il y a des limites que le législateur de l’époque a estimé ne pas devoir être franchies….

Ces règles relatives à la perte involontaire du navire sont complétées par d’autres dispositions qui visent le cas éminemment plus grave de la perte volontaire du navire.

Le jugement XXV, relatif au bris, dispose ainsi que si « Item, si un navire vient en aucun lieu, & veut entrer en Port ou en Havre, & elle met enseigne d’assistance pour avoir un pilote ou bateau pour l’arrêter, parce que le vent ou la marée est contraires ; & il advient que ceux qui vont pour amener ledit navire, qui ont fait marché pour le pilotage ou le toüage. Mais parce qu’en aucuns lieux la Coûtume court, et sans raison, que des navires qui se perdent le Seigneur du lieu en prend le tiers ou le quart, & les sauveurs un autre tiers ou quart, & le demeurant au Maîtres et Marchands. Ces choses considérées, & pour être aucune fois en bonne grâce du Seigneur, comme vilains, traîtres et déloyaux, mènent ladite navire à leur escient, & de leur certaine malice font perdre ledit navire & marchandise, et feignent de secourir les pauvres gens, et cependant ils sont les premiers à dépecer et rompre le navire, et emporter la marchandise ; qui est une chose contre Dieu & raison ; & pour être les biens venus en la maison du Seigneur, ils courent et dire & annoncer la pauvre advanture des Marchands ; & ainsi vient ledit Seigneur avec ses gens, & prend sa part des biens advanturez, & les sauveurs l’autre part, & le demeurant est laissé aux Marchands ; mais veut que c’est contre le commandement de Dieu omnipotent, nonobstant aucunes Coûtumes & Ordonnances, il est dit & Sentencié, que les Seigneurs, les sauveurs, & autres qui prendront aucune choses desdits biens, seront maudits, excommuniés, & punis comme larrons ; mais des faux et déloyaux traîtres Pilotes, le jugement est tel, qu’ils doivent soufrir martyre cruellement, & l’on doit faire des gibets biens hauts sur le lieu propre où ils ont mis ledit navire ou bien près de là, & audit lieu doivent les maudits pilotes finir honteusement leurs jours ; & l’on doit laisser être lesdits gibets sur ledit lieu en mémoire perpétuelle, & pour faire balise aux autres navires qui viendront là »

Dans son ouvrage, Cleirac commente également ces dispositions concernant le jugement des pilotes et lamaneurs qui échouent volontairement le navire dont ils ont la charge.

Il précise ainsi que le supplice ordonné dans ce jugement était déjà pratiqué par I'Empereur Andronicus régnant en Grèce, environ l'an 1150, qui ordonnait les mêmes peines contre les pilotes spoliateurs de navires naufragés.

Pardessus, commentant également cet article dans sa « collections des lois maritimes », explique que « l'article numéroté 25 dans l'Edition de Cleriac (29 et 30 dans celle du Garcie) suppose l'existence de coutumes locales qui attribuaient au seigneur du lieu un tiers des objets échoués provenant d’un naufrage un tiers à ceux qui les avoient sauvés un tiers aux propriétaires victimes du sinistre. Il prononce l'excommunication et la peine du gibet contre les pilotes locmans qui dans leur intérêt propre et dans celui des seigneurs feraient échouer ou périr un navire. L'article 26, édition de Cleirac (31 édition de Garcie) va plus loin. Il veut que le seigneur complice de ce crime soit attaché à un poteau dans sa propre maison que le feu y soit mis et que sur l'emplacement de cette maison qui sera démolie on fasse un marché aux pourceaux ».

Ces articles des jugements d’Oléron permettent de constater toute la sévérité qui entourait alors le fait pour un pilote de ne pas remplir correctement sa mission. Pour autant, ces jugements constituent déjà une évolution en ce qu'ils séparent la faute "simple" ou involontaire de la "faute intentionnelle ou dolosive", cette dernière étant punie, au-delà de la mort, par l’infamie de l’exposition du corps et l’excommunication….

L’Edit du Roy Henry III du mois de Mars 1584 contenant les Ordonnances & Reglemens de la Juridiction de l'Amitauté de France n’apportera pas de changement à la matière et il faudra attendre l’Ordonnance sur la Marine de 1681 pour voir les choses évoluer.

Inutile de rappeler ce que cette Ordonnance apporta au Droit Maritime, si ce n’est pour dire que certains de ses principes sont encore appliqués aujourd’hui, notamment en Droit Portuaire, et trouvent leur origine dans cette codification de tout ce qui touchait à la mer et aux rivages.

Pour ce qui concerne notre propos, on trouve au Livre II - Titre IV, un Article VII qui dispose que « Le pilote, qui, par ignorance ou négligence, aura fait périr un bâtiment, sera condamné en cent livres d'amende, & privé pour toujours de l’exercice du pilotage, sans préjudice des dommages & intérêts des parties; & s'il l'a fait par malice, il sera puni de mort ».

On y trouve un peu plus loin, au Livre IV- Titre III, un Article XVIII disposant que « Les lamaneurs qui, par ignorance, auront fait échouer un bâtiment, seront condamnés au fouet, & privés pour jamais du pilotage ; & à l'égard de celui qui aura malicieusement jeté un navire fur un banc ou rocher ou à la côte, il sera puni du dernier supplice, son corps attaché à un mât planté près du lieu du naufrage ».

Les deux dispositions ont en commun la distinction entre la faute « simple » et la faute intentionnelle, mais divergent assez notablement sur les sanctions.

Pour le pilote (qui existe toujours à cette époque en tant que membre de la communauté du bord), la peine, en cas de naufrage involontaire, est devenue une simple amende doublée d’une interdiction d’exercer la fonction ; En cas de naufrage volontaire, la peine demeure, comme par le passé, la mort (désormais par pendaison).

La responsabilité civile du pilote n’est pas oubliée puisque l’article précise que le pilote devra, en sus du châtiment corporel, répondre des dommages causés envers les parties.

Quant au deuxième article, qui vise plus précisément le lamaneur, les peines se révèlent plus sévères que celles infligées au pilote cas de naufrage involontaire ; Le lamaneur, s’il échappe désormais à la mort, reste tout de même soumis au châtiment corporel du fouet, doublé d’une interdiction de pilotage à vie.

Quant au cas du naufrage volontaire, la peine infligée est dans la continuité de celle prévue dans les jugements d’Oléron, à savoir la mort par pendaison, à laquelle on rajoute l’exposition du cadavre sur un mât au plus près du lieu du naufrage, afin que cela serve d’exemple et prévienne les autres pilotes d’une telle tentation. Il y a là, comme dans les jugements d’Oléron, une volonté forte d’exemplarité de la peine et de dissuasion à l’égard de ceux qui pourraient être tentés….

Cet article ne mentionne cependant pas le fait que le lamaneur est tenu à la réparation du dommage en cas de naufrage du navire mais Valin le précise dans son commentaire de l’Ordonnance.

Il y souligne également que « l'ignorance qui peut être reprochée au pilote lamaneur ne s'entend pas d'un défaut de capacité ou d'intelligence en général car on ne peut pas supposer qu'il ne sache pas son métier, puisqu'il n’a été reçu qu'après un long exercice dans la navigation sur les côtes de son département, & qu'après un examen sévère.

Ce terme ignorance ne doit donc être pris ici que dans une signification restreinte, c'est-à-dire, qu'il énonce simplement une faute, un défaut d'application des règles & de la pratique de l'art du pilotage, d’où s’est ensuivi l'échouement du navire. »

Pour Valin, de manière ou d'autre, « le pilote qui cause un tel malheur est extrêmement coupable, qu'il ait agi par ignorance pure, ou par défaut d'attention, ou enfin, par caprice ou entêtement s’il n'est pas assez expert dans ton art, c'est à lui à le quitter & à se retirer; sans quoi il trompe la foi publique. S'il a conduit étourdiment, méprisant le danger, en ne prenant pas les précautions convenables pour l'éviter, il abuse de la confiance qu'on a en lui. Enfin, si, par obstination, il est sourd aux avis qu'on lui donne, il méjuge du pouvoir que son poste lui attribue, & ce font-là autant de crimes qui méritent une punition exemplaire.

Cette singularité n'a été remarquée que pour faire connaître que de tout temps on a regardé comme un grand crime, la faute d'un pilote lamaneur qui, par imprudence & par sa mauvaise manœuvre, fait périr ou échouer le navire dont la conduite lui est confiée.

La punition infligée par cet article, loin de paraître excessive, doit donc au contraire passer pour être trop douce, eu égard à l'intérêt qu'a l'Etat d'avoir des pilotes lamaneurs bien versés dans leur art, & attentifs à affurer la navigation. »

Valin poursuit et s’indigne cependant que les peines prévues par les jugements d’Oléron ou maintenant par l’Ordonnance ne reçoivent finalement que peu d’application dans les faits.

Selon lui, il ne se passe point d'année sans que « quelques navires ne périssent par la faute des pilotes ou lamaneurs, et sans pour autant que l’on ne voit ne voit qu'il en soit fait d'exemples ; & cela faute de dénonciation par une charité mal-entendue ».

Il liste ensuite les conséquences d’une clémence qu’il considère comme inappropriée et contraire au bien public :

1°. Les maladroits & les étourdis continuent leurs fonctions sans travailler à se corriger, & font périr d'autres navires. On assure qu'il en est un des côtes de Bretagne, qui en a fait perdre jusqu'à trois.

2 °Le défaut de punition donnant une sorte d'assurance que les fautes ne seront point recherchées, peu de pilotes s'appliquent à se perfectionner dans leur art ; & ce qui est pire encore, ils négligent d'apporter l'attention requise à éviter les dangers, en multipliant & variant les manœuvres suivant les circonstances.

Ils ne songent qu'à se rendre par la voie la plus courte, aux risques de ce qui pourra en arriver, pour être en état de piloter quelque autre navire.

3° Enfin, le peu de sûreté que par-là l'on croit trouver à prendre des pilotes, fait qu'un grand nombre de capitaines, maîtres ou patrons s'en passent, ce qui ne sert qu'à augmenter les accidents maritimes. Mais quand cette méthode ne seroit que rendre le service des lamaneurs plus rare, eux qui ont besoin d'un exercice continuel pour acquérir plus d'expérience; ce seroit toujours un grand mal, sans compter que l'ardeur à s'engager dans un métier diminue à mesure que les aspirants s'aperçoivent qu'il ne peut plus fournir une honnête subsistance.

Toutes ces considérations devroient donc faire souhaiter que l'on punit régulièrement tout pilote lamaneur, à qui l'on seroit fondé à reprocher d'avoir causé par sa faute la perte ou l'échouement de quelque navire.

A l'égard de celui qui malicieusement aura jeté un navire sur un banc ou rocher, ou à la côte, notre article veut qu'il soit puni du dernier supplice, & que son corps soit attaché à un mât planté près le lieu du naufrage, " en mémoire perpétuelle, dit l'art 25 des jugemens d'Oleron , & pour faire balise aux autres qui viendront là.

La même peine de mort est prononcée pour pareil cas contre le capitaine, par l'art. 36, titre premier du livre 2 ci-dessus, par l'art. 7 du titre 4 contre le pilote, & par les articles 44 & 45 du titre des naufrages, ci-après, tant contre les seigneurs des nefs voisins de la mer, & tous autres qui auront forcé les pilotes & locmans de faire échouer les navires aux côtes qui joignent leurs terres, que contre ceux qui allumeront la nuit des feux trompeurs sur les grèves de la mer, & dans les lieux périlleux, pour y attirer & faire perdre les navires.

Au reste, le pilote lamaneur sera jugé avoir malicieusement fait échouer ou périr le navire, s'il a été averti du danger par le capitaine & l'équipage du navire, & si au lieu, en ce cas, d'avoir fait la manœuvre convenable, ou celle qui lui aura été indiquée, il a suivi son caprice & son entêtement. Il en fera de même, si l'écueil sur lequel le navire aura été jeté était un écueil notoirement connu, & s'il n'a pas fait la manœuvre requise pour l'éviter. En un mot, c'est par les circonstances qu'il faudra se décider pour la faute simple ou pour la malice. Il est tel cas où l'échouement devient indispensable, pour éviter une perte totale & un naufrage absolu : mais le pilote lamaneur ne doit jamais s'y déterminer de son chef. Il faut qu'il le propose au capitaine & à l'équipage, par voie de conseil simplement, & qu'il attende sur cela leur résolution pour s'y conformer; sans quoi il se rend responsable de l'événement, & coupable nécessairement d'une faute capitale.

On comprend par-là que le pilote côtier étant à bord, est le chef & le conducteur du navire ; que c'est a lui à diriger la route et à faire exécuter toute manœuvre : de manière que le capitaine n'en a plus la direction. Et c'est pour cela que l'art. II lui enjoint de déclarer au lamaneur combien son navire tire d'eau, à peine de vingt-cinq livres d'amende pour chaque pied recélé.

Ce n'est pas qu'il n'ait le droit de donner ses avis au pilote, & de lui faire les remontrances qu'il jugera à propos; mais après cela il doit le laisser faire, si évidemment il ne manœuvre mal, & que fon équipage en juge comme lui ; sans quoi il est sujet à réprimande & à punition, en s'exposant d'ailleurs aux dommages & intérêts qui en pourroient résulter.

Que serviroit en effet qu'il y eût des pilotes lamaneurs, si la conduite des navires ne leur appartenoit pas spécialement, & s'ils n’étoient-là que pour donner simplement des conseils ? On peut se passer d'eux, à la vérité; mais quand on s'est déterminé à en prendre, il faut-les laisser dans toute la liberté de leurs fonctions, si, encore une fois, il n'est évident au capitaine & aux principaux de l'équipage qu'il opère mal.

Ces longs extraits du « Commentaire sur l’Ordonnance de la Marine par Valin[17] mettent en évidence que la sévérité affichée par les textes était finalement assez peu mise en œuvre lorsqu’un navire faisait naufrage sur les côtes, les populations locales manifestant une empathie assez forte pour les pilotes lamaneurs, dont on peut supposer qu’elle résultait à la fois de l’appartenance du pilote à la communauté du littoral mais également de ce que cette population profitait également des naufrages au travers de la législation du bris et de qu’elle pouvait retirer des richesses ainsi échouées sur le rivage.

Cette législation issue de l’ordonnance de 1681 perdurera tant bien que mal jusqu’au premier empire.

II – De Napoléon aux grandes réformes du XXième siècle.

 

A D’un empire à l’autre

Le 12 décembre 1806, Napoléon signe au quartier impérial de Posen[18] un Décret Impérial contenant règlement sur le service du pilotage. Bien que la constitutionnalité de ce Décret fût attaquée quelques années après sa publication, ce décret doit être considéré comme remplaçant l’ensemble des dispositions antérieures régissant la matière.

Ce texte ne parle désormais plus que du « pilote-lamaneur » dont la fonction et le rôle à bord sont maintenant assez proches de ce que nous connaissons aujourd’hui.

La responsabilité pénale du pilote y est régie par l’article 31 de ce décret qui dispose que « tout pilote qui, s'étant chargé de conduire un Bâtiment de l'Etat ou du Commerce, et ayant déclaré en répondre, l'aura échoué ou perdu par négligence ou par ignorance, ou volontairement, sera jugé conformément l'article 40 de la loi du 22 août 1790 ».

Ledit article 40, extrait de ce que l’on appelle aussi le « Code des Vaisseaux » prévoit que « Tout pilote-côtier coupable d'avoir perdu un bâtiment quelconque de l'état ou du commerce, lorsqu'il s'était chargé de sa conduite, et qu'il avait déclaré en répondre , si c'est par négligence ou ignorance, sera condamné à trois ans de galère ; si c'est volontairement, il sera condamné à la mort ».

L’article 50 de ce même Décret de 1806 donne compétence aux Cours d’Assises pour juger des cas les plus graves. Tout cela, combiné avec l’arrivée du Code Pénal de 1791 et 1810, conduit à considérer que le pilote coupable de naufrage volontaire était condamné à avoir la tête tranchée[19] [20]

Sur les points relatifs à notre propos, ce Décret Impérial ne comporte que peu d’évolutions par rapport à l’ordonnance de 1681.

Tout au plus on notera que le législateur a désormais remplacé la peine du fouet par celle des galères. Dans son ouvrage, Beaussant souligne que cette peine reste infamante pour une faute de négligence ou d’ignorance, exclusive de la mauvaise intention et n’y voit aucun intérêt, la détention ou l’emprisonnement valant mieux que les galères, avec de surcroit la crainte des dommages et intérêts[21].

Ces nouvelles dispositions s’attachent à la détermination des règles relatives à la responsabilité pénale mais le décret reste cependant totalement silencieux sur les questions relatives à la responsabilité civile du pilote et à son obligation de réparer les dommages qu’il aurait pu causer.

Dans les faits, cela ne change cependant pas grand-chose puisque le pilote demeure responsable en cas de faute et se doit d’indemniser l’armateur en cas de dommages causés au navire et qui seraient imputables à une faute de sa part. Il doit également indemniser les tiers mais on note déjà un accord assez unanime de la jurisprudence et de la doctrine pour que cette responsabilité soit canalisée via l’armateur du navire piloté.

Beaussant, dans son ouvrage[22], souligne ainsi que « le pilote est responsable envers l'armateur, comme le serait le capitaine, de sa faute, de sa négligence, quand il y en a; mais, par rapport aux tiers, l'armateur n'en est pas moins le débiteur direct, et ils ne peuvent être renvoyés par lui à recourir contre le pilote dont l'emploi lui aurait été imposé par la loi ; c'est à lui de suivre les chances de ce recours[23]. »

Même s’il n’est pas aisé de trouver de la jurisprudence à ce sujet, notons quand même un arrêt du Conseil d’Etat du 23 avril 1807 dont l’objet n’est pas tant la responsabilité du pilote que la compétence des juridictions administratives mais dont l’intérêt est ici de se référer à deux arrêts de la Cour de Montpellier qui avaient reconnu l’entreprise de pilotage responsable du naufrage du navire piloté et l’avait condamnée à payer 30 000 frs de dommages-intérêts (correspondant notamment au prix du navire) à l’armateur du navire piloté[24].

Quelques années plus tard, la loi du 10 avril 1825 pour la sûreté de la navigation et du commerce maritime est votée[25].

Si son principal objet reste la répression de la piraterie, on y trouve aussi plusieurs articles afférents aux infractions pénales pouvant être commises par le bord. L’article 11 de cette loi dispose ainsi dans sa version d’origine que « Tout capitaine, maître, patron ou pilote, chargé de la conduite d'un navire ou autre bâtiment de commerce, qui, volontairement et dans une intention frauduleuse, le fera périr par des moyens quelconques, sera puni de la peine de mort ».

Cette nouvelle disposition ne vise cependant que le crime d’échouement ou de perte volontaire du navire, laissant l’échouement et/ou la perte involontaire du navire régie par le Décret du 12 décembre 1806.

Elle ne change cependant en rien le châtiment qui demeure la peine capitale.

Il faudra attendre le 24 mars 1852 et la parution du Décret portant code disciplinaire et pénal pour la marine marchande pour que les choses évoluent assez notablement.

Le décret dispose ainsi en son article 89 que « Tout individu inscrit sur le rôle d'équipage qui, volontairement, et dans une intention criminelle, échoue, perd ou détruit par quelque moyen que ce soit, autre que celui du feu ou d’une mine, le navire sur lequel il est embarqué, est puni de dix à vingt ans de travaux forcés. »

Si le coupable était, à quelque titre que ce soit, chargé de la conduite du navire, il lui sera appliqué le maximum de la peine.

S'il y a eu homicide ou blessures par le fait de l'échouement, de la perte ou de la destruction du navire, le coupable sera, dans le premier cas, puni de mort, et, dans le second, puni des travaux forcés à temps ».

Ce texte, qui ne vise également que l’échouement volontaire, constitue une évolution très notable dans les peines pouvant être infligées au pilote.

Celui-ci, visé au travers du dernier alinéa, risque toujours la peine de mort mais uniquement lorsqu’il y homicide lors de l’échouement, de la perte ou de la destruction volontaire du navire.

Dans le cas d’un échouement « simple », d’une destruction ou d’un naufrage sans perte humaine ou uniquement avec des blessures, la peine est désormais celle des « travaux forcés à temps, et en l’espèce 20 ans puisque le pilote doit être considéré comme ayant la conduite du navire.

Ce Décret, qui ne concerne que la Marine Marchande, sera complété par le Décret du 4 juin 1858 portant Code de justice militaire pour l'armée de mer.

Celui-ci, uniquement applicable aux forces navales établit des incriminations et des peines spécifiques lorsque le pilote sert l’Etat. On trouve ainsi, au « Chapitre XII - Crimes ou délits commis par les marins du commerce dans leurs rapports, avec les bâtiments de l'état. », un article 360 qui dispose que « Tout pilote coupable d'avoir perdu volontairement un bâtiment de l'État ou un navire de commerce convoyé est puni de mort; si c'est par négligence, d'un emprisonnement d'un an à cinq ans.

S'il a échoué volontairement le bâtiment, il est puni des travaux forcés à temps ; si c'est par négligence, d'un emprisonnement de six mois à deux ans.

S'il a abandonné le bâtiment après s'être chargé de le conduire, il est puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans.

Si l'abandon a lieu en présence de l'ennemi, le coupable est puni de mort ; s'il a lieu en présence d'un danger imminent, la peine est celle de la réclusion ».

Cet article prévoit trois crimes ou délits qui peuvent être commis par un pilote dans l'exercice de ses fonctions, soit à l'égard des bâtiments de l'État, soit à l'égard des navires du commerce convoyés.

Il est tout d’abord à noter que, contrairement au Décret de 1852, cette disposition ne distingue pas, pour la définition des peines, selon que l’échouement ait entraîné ou non la mort de personnes.

Le premier crime envisagé est la perte volontaire d'un bâtiment de l'État ou d'un navire convoyé. Cet acte réfléchi est un crime de la même nature que celui qui est prévu par l'article 267 (perte d’un bâtiment) il est puni de la même peine, de la peine de mort.

Si la perte du bâtiment n'est pas le résultat d'un mauvais dessein réfléchi, si elle a été causée par la négligence, elle ne constitue plus qu'un simple délit, puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans.

Enfin, la Loi, dans ce même article 360, reconnaît trois espèces d'abandon du bâtiment par le pilote. Le premier est simple: c'est un délit; le second, plus grave, a lieu dans un danger imminent: c'est un crime puni de la réclusion ; enfin, le troisième, plus grave encore, et qui constitue une sorte de trahison, a lieu en présence de l'ennemi : il entraîne la peine capitale.

Les paragraphes 2 et 3, en édictant des peines contre l'échouage et l'abandon, ne parlent plus des navires convoyés. Cependant il résulte clairement de la rédaction que le bâtiment dont s'occupent ces deux dispositions est celui dont il a été question dans le paragraphe 1er, et que, par conséquent, ces paragraphes s'appliquent également au navire convoyé. Au reste, il est assez difficile d'expliquer pourquoi le navire convoyé est compris dans l'article 360.

Ce navire, en effet, n'a pas cessé d'être un bâtiment de commerce, il appartient à des particuliers; son chargement est également une propriété privée; enfin l'État n'est chargé d'aucune responsabilité en ce qui le concerne. On n'aperçoit donc pas le motif qui fait traduire devant le conseil de guerre le pilote coupable d'avoir perdu, échoué ou abandonné un navire convoyé , et qui rend cet homme passible des peines prononcées par l'article 360.

Si le pilote perdait, même volontairement, ou échouait un navire du commerce non convoyé, il serait jugé par les tribunaux ordinaires, et condamné conformément à la loi commune, le soumettant ainsi à l'article 11 de la loi du 10 avril 1825 prononçant la peine de mort contre le pilote coupable d'avoir perdu un navire volontairement et avec une intention frauduleuse.

B Des questions sans réponse.

A cette époque, ne semblait avoir été oubliée du législateur que le cas de la perte involontaire du navire de commerce non convoyé, ce qui constituait quand même la majeure partie des situations, celles visées par les Décrets de 1852 et 1858 étant exceptionnelles.

Or, et en l’absence de texte nouveau, c’est bel et bien le Décret de 1806 qui devait continuer à recevoir application.

Ainsi, tout pilote qui, s'étant chargé de conduire un Bâtiment de l'Etat ou du Commerce, et ayant déclaré en répondre, l'aura échoué ou perdu par négligence ou par ignorance, ou volontairement, aurait dû être jugé conformément l'article 40 de la loi du 22 août 1790 qui disposait, rappelons-le que « Tout pilote-côtier coupable d'avoir perdu un bâtiment quelconque de l'état ou du commerce, lorsqu'il s'était chargé de sa conduite, et qu'il avait déclaré en répondre , si c'est par négligence ou ignorance, sera condamné à trois ans de galère ».

Et c’est sur ce point de la condamnation aux galères là que les auteurs et la jurisprudence de l’époque furent confrontés à une grande difficulté, ce que vint confirmer, en 1874, un arrêt de la Cour de Cassation[26].

La Cour, constatant que les articles 40 de la loi des 21-22 août 1790 et 31 du décret du 12 décembre 1806, qui punissent de trois ans de galères le pilote coupable d'avoir perdu, par négligence ou ignorance, un bâtiment quelconque de l'Etat ou du commerce, n'avaient pas été abrogés expressément ou implicitement par aucune loi postérieure mais constatant également que la peine des galères ayant été supprimée par le code de justice maritime du 4 juin 1858, sans avoir été remplacée par aucune autre pour le fait d'échouement involontaire d'un navire de commerce non convoyé, ce fait ne pouvait plus, dans l'état de la législation, donner lieu à des poursuites criminelles.

En résumé, l’échouement involontaire d’un navire n’était plus pénalement réprimé, faute de peine applicable.

C’est également au cours du 19ième siècle que la question de la responsabilité civile du pilote préoccupa de plus en plus la doctrine, notamment sur le point de savoir de qui, du capitaine ou du pilote, avait la « haute autorité » du commandement, et était, in fine, responsable des dommages causés, soit aux tiers[27], soit au navire piloté. La jurisprudence n’a pas toujours été unanime sur ce point mais les décisions s’accordent au moins toutes sur un point : Lorsque le pilote était déclaré responsable, ce dernier répondait sur son patrimoine des réparations mises à sa charge, que ce soit au titre d’une action directe ou d’un recours de l’armateur[28].

Au-delà de cette question de la réparation des dommages, les conséquences de l’arrêt de la Cour de Cassation de 1874 n’étaient guère satisfaisantes. Dans sa thèse sur le pilotage publiée en 1918, Louis Laurent Toutain[29] écrivait ainsi que « L'état de notre législation depuis 1858 aboutissait à assurer une impunité à peu près complète au pilote coupable tant que la faute nautique commise par lui dans la conduite d'un bâtiment n'entraînait pour l'équipage entier ou pour quelques-uns de ses membres, ni la mort, ni des blessures quelconques, seuls cas dans lesquels la comparution devant les tribunaux s'imposait en vertu des articles 319 et 320 du code pénal[30] ».

Il faudra en fait attendre 1913 pour que des dispositions transitoires soient prises avec la publication d’un Décret daté du 16 juin 1913[31] qui donnera la possibilité au sous-secrétaire d'Etat à la Marine marchande de prononcer des peines à l'égard des pilotes fautifs après enquête contradictoire. Quatre types de sanctions seront prévus : la réprimande, le blâme, la suspension temporaire des fonctions, la révocation. On est désormais loin du billot ou même des bancs de nage des galères du Roi.

C – Les grandes réformes du XXième siècle

Ce 20ième siècle qui commence va voir les choses évoluer encore plus radicalement et les nouvelles règles vont dessiner peu à peu les contours de la législation actuelle.

En 1926, le Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande est promulgué et remplace notamment les dispositions du Décret de 1852.

S’agissant des pilotes, le Code évoque désormais distinctement et clairement la perte volontaire et involontaire d’un navire.

Pour la perte volontaire, on la retrouve à l’article 79 dans un chapitre consacré aux « Pertes de navires, Abordages, échouements et autres accidents de navigation » ; Cet article dispose que « Toute personne qui, en dehors des cas prévus par le Code de justice militaire pour l'armée de mer, échoue, perd ou détruit, volontairement et dans une intention criminelle, un navire quelconque par quelque moyen que ce soit, est punie des peines établies par les articles  434 et 435 du Code pénal[32].

Le maximum de la peine est appliqué au délinquant qui est chargé, à quelque titre que ce soit, de la conduite du navire ou qui le dirige comme pilote ».

La rédaction de cet article n’est qu’une évolution de celle du texte de 1852 mais où le pilote est désormais expressément visé.

Mais le changement le plus notable est que la définition des peines est renvoyée à deux dispositions du Code Pénal de l’époque.

Ces deux articles concernent les peines applicables en cas de « destructions, dégradations, dommages ».

Elles ont la particularité de distinguer selon que le coupable se sera attaqué à des biens (navires ou bateaux) habités ou non.

Cette mention d’habitation peut paraître étrange mais elle s’explique par le fait que ces deux articles sont à la base relatifs aux incendies volontaires ; La sévérité de la peine y est modulée selon que le bien endommagé ou détruit était habité ou non.

Dans le premier cas, l’auteur du dommage est condamné à mort ; Dans le second, ce seront les travaux forcés à perpétuité. Le dernier alinéa de l’article 434 du Code Pénal précise cependant qu’en cas de mort d’une ou plusieurs personnes, la peine sera la mort.

On y retrouve donc peu ou prou les mêmes peines que sous l’empire du Décret de 1852.

Le nouveau code comble également le vide juridique de la perte involontaire qui est désormais régie par les articles 80 et 81 du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande.

L’incrimination y est envisagée sous deux aspects.

L’article 80 tout d’abord vise les infractions aux règles prescrites par les règlements maritimes, et dispose ainsi « qu’est puni de six jours à trois mois d'emprisonnement et d'une amende de 16 à 100 francs ou de l'une: de ces deux peines seulement; tout Capitaine ou chef de quart qui se rend coupable d’une infraction aux règles prescrites par les règlements maritimes, soit sur les feux où allumer la nuit et les signaux à faire en temps de brume) soit sur la route à suivre, soit sur les manœuvres à exécuter en cas de rencontre d'un bâtiment.

Est puni de la même peine tout pilote qui se rend coupable d'une infraction aux règles sur la route à suivre ».

Quant à la perte involontaire, elle est visée à l’article 81 suivant qui dispose que « si l'une des infractions prévues à l'art. 80 ou tout autre fait de négligence imputable aux capitaine, chef de quart ou pilote, a occasionné, pour le navire ou pour un autre navire, soit un abordage, soit un échouement ou un choc contre un obstacle visible ou connu, soit une avarie gave du navire ou de sa cargaison, le coupable est puni de six jours ou trois mois d’emprisonnement ou d'une amende de 16 francs à 500 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.

Si l'infraction a eu pour conséquence la perte ou l’innavigabilité absolue d'un navire ou la perte d'une cargaison, ou si elle a entraîné soit des blessures graves, soit la mort pour une ou plusieurs personnes, le coupable est puni de trois mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 50 francs à 600 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement ».

Cette perte involontaire du navire entraîne des sanctions qui sont finalement assez limitées pour le pilote imprudent et/ou fautif, et assez éloignées de celles prévalant auparavant, y compris dans les cas où la comparution devant les tribunaux s'imposait en vertu des articles 319 et 320 du code pénal[33] lorsque le vide juridique était à peu près total pour juger de ces cas de perte involontaire du navire.

Si les choses sont désormais à peu près claires sur le plan pénal et disciplinaire, elles demeurent encore floues sur le plan de la responsabilité civile du pilote.

Elles ne seront que partiellement résolues deux ans plus tard, avec la loi du 28 mars 1928 qui vient réformer en profondeur le régime juridique du pilotage, résultat de près de trente années de discussions et de projets avortés.

Au-delà de la question des tarifs, l’organisation du pilotage donnera lieu à d’intenses débats comme celui provoqué par le Rapport de Clément Colson, un ingénieur des Ponts-et- Chaussées qui s'attaqua vigoureusement à l'organisation existante du pilotage, considérant les charges de pilotage comme "un véritable impôt, grevant la navigation maritime".

Il faudra plusieurs projets de loi, intensément débattus pour arriver à cette Loi qui embrasse alors l’ensemble des problématiques du pilotage comme le recrutement, les salaires, l’organisation des stations, et des dispositions relatives à la responsabilité des pilotes.

Ce sont les articles 7 et 15 de la Loi qui vont désormais régir la matière.

L’article 7 dispose ainsi que «  Sauf le cas de faute lourde du pilote, les avaries survenues au bateau piloté, au cours des opérations de pilotage, au cours des manœuvres d'embarquement ou au cours des manœuvres d'embarquement ou de débarquement du pilote, sont à la charge du navire ».

Quant à l’article 15, il prévoit que « Sans préjudice des sanctions disciplinaires, est puni d'une amende de 25 à 300 frs et d'un emprisonnement de trois jours à trois mois ou de l'une de ces deux peines seulement:

1°Le pilote qui ne prête pas assistance à un bâtiment en danger, contrairement aux dispositions de l'article 6;

2° Le pilote qui, en état d'ivresse, aurait entrepris de conduire un bâtiment. »

Ces nouvelles dispositions vont remplacer celles du Décret-Loi de 1806 qui étaient totalement dépassées dans le domaine de la responsabilité des pilotes.

Pour ce qui est du régime disciplinaire et du régime pénal, les pilotes vont être à la fois soumis aux peines propres à leurs professions prévues par la loi mais aussi aux dispositions générales du code pénal et disciplinaire de la Marine marchande du 17 décembre 1926.

Quatre peines disciplinaires sanctionnant les fautes professionnelles sont ainsi mentionnées dans la loi : la réprimande, le blâme, la suspension temporaire de l'exercice des fonctions et la révocation.

Ces peines sont en fait celles instaurées à titre provisoire en 1913. Le chef du service de pilotage prononce directement et sans réserve la réprimande et le blâme, explique Michel Girard, dans sa thèse. Il prononce également la suspension de l'exercice des fonctions pour une durée maximum de 10 jours, mais, dans ce cas, sa décision doit être approuvée par le directeur de l'Inscription maritime. Seul, le Ministre peut suspendre le pilote de ses fonctions pendant plus de 10 jours ou le révoquer.

En matière pénale, le code disciplinaire et pénal de la Marine marchande prévoit notamment les peines en cas de perte d'un navire par la faute du pilote.

La loi de 1928 s'intéresse, quant à elle, à des délits plus spécifiques. Le pilote qui ne prête pas assistance à un bâtiment en danger ou qui exerce sa profession étant ivre est ainsi passible d'une amende de 25 à 300 fr. et/ou d'un emprisonnement de huit jours à trois mois.

La définition de la responsabilité civile des pilotes posa par contre davantage de problème. Vu le niveau de risques encourus, en particulier en cas de perte d'un navire, les pilotes ont toujours plaidé le fait qu’ils étaient dans l'impossibilité de s'assurer.

Lors de l'adoption de la loi de 1928, il était de la responsabilité des armateurs de supporter la faute du pilote. Mais les armateurs avaient toujours la possibilité d'intenter une action en dommages et intérêts contre les pilotes. Plusieurs d'entre eux se retrouvèrent ainsi condamnés à verser des sommes bien supérieures à leur traitement annuel, ce qui parut exagéré.

L’erreur ou la négligence même minime en matière de navigation maritime peut en effet conduire à un événement de mer (abordage, échouement..) ou à un incident portuaire (heurt d'un sas, d'un mur de quai..) ayant des conséquences dépassant les capacités financières d'un pilote et même d'une station.

À la suite d'un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 2 février 1934 – confirmé par la Cour de cassation le 12 juin 1934[34] – un pilote avait dû réparer intégralement le dommage subi par sa faute et par un navire.

Cet arrêt conduira l’Etat à se préoccuper rapidement de cette question car, quasiment ignorées par la loi du 28 mars 1928, les conséquences juridiques découlant, au plan civil, des dommages survenus au cours des opérations de pilotage, pouvaient effectivement être lourdes pour les pilotes comme l’illustra l’arrêt de 1934.

Ces conséquences juridiques de la responsabilité civile du pilote seront donc précisées par la loi du 14 mars 1935 afin de limiter d'une manière forfaitaire le montant des dommages et intérêts.

Cette loi est un tournant dans l’histoire du pilotage puisque désormais, le pilote, tout en demeurant responsable de ses actes en cas de dommages et/ou de naufrage du navire, peut limiter drastiquement sa responsabilité.

Tout pilote, titulaire ou aspirant, peut désormais, par l’abandonnement de son cautionnement, s’affranchir très largement de la responsabilité civile résultant de fautes par lui commises dans l’exercice de ses fonctions.

Pour actionner ce cautionnement l'armateur doit quand même prouver la faute du pilote, parfois sa faute lourde, ainsi que le dommage subi par son navire ; Si la preuve est rapportée, le pilote doit alors contribuer à réparation mais peut limiter forfaitairement les conséquences financières de sa responsabilité reconnue, par l'abandon du cautionnement.

Il n'est fait exception à cette règle que si sa faute constitue une infraction à l'article 79 du CDPMM (dispositions relatives à l'échouement, à la perte ou à la destruction volontaire – et dans une intention criminelle – du navire), auquel cas la réparation doit être totale[35].

Le montant du cautionnement a évolué avec les années mais reste à un niveau que beaucoup qualifieront d’excessivement bas.

Initialement compris entre 2 000 et 10 000 frs[36], soit une somme comprise entre 1 400 et 7 000 euros d’aujourd’hui[37], le cautionnement sera réévalué entre 2 800 et 7 300 euros en 1970[38], puis entre 2 500 et 7 500 euros en 1986[39].

Ce montant sera revu une dernière fois en 1999[40] avec une valeur du cautionnement comprise entre 3 000 et 10 000 euros.

Ils sont figés depuis l’entrée en vigueur de l’Euro le 1er janvier 2002.

Quoi qu’il puisse en être pensé, ce montant relève du symbolique puisque la seule application de l’érosion monétaire à ces montants de 1999 aboutirait en 2013 à des montants compris entre 3 764 et 12 600 euros. Il faut également noter la faible différence existant entre les montants de 1936 et 2013 alors même que la taille et la valeur des navires pilotés n’ont cessé de croître.

Le cautionnement ne représente ainsi que 0.007 % de la valeur d’un navire du type Maersk Triple E comme le Mærsk Mc-Kinney Møller ou de 0.001 % de la valeur d’un paquebot de type « Oasis of the Seas ».

Tout ceci pour marquer une certaine différence de point de vue avec celui exposé par Le Commandant François Laffoucrière dans son article paru dans le « Droit Maritime Français » en 2008[41].

A titre personnel, sans parler de déresponsabilisation, nous ne pensons pas que la somme affectée au cautionnement agit comme une épée de Damoclès sur le pilote et son activité.

Il est effectivement très faible et ne justifie pas la souscription d’une assurance ; Mais il n’a, à notre avis, aucun effet dissuasif pour lutter contre toute attitude désinvolte.

Mais il est exact que si le législateur était tenté de revenir sur ce principe du cautionnement, les pilotes maritimes n’auraient alors d’autre solution pour se couvrir contre les risques inhérents à cette activité que de recourir à l’assurance. Les tarifs du pilotage augmenteraient donc, mais dans une proportion assez difficile à estimer.

Fermons cette parenthèse pour revenir à notre propos. Ces évolutions majeures dans la règlementation du pilotage en général et de la responsabilité des pilotes en particulier n’évolueront plus jusqu’aux grandes lois de la fin des années 60 réformant notre Droit Maritime.

Le pilotage n’y fera pas exception et verra ses règles modifiées par la Loi n°69-8 du 3 janvier 1969 relative à l'armement et aux ventes maritimes.

Par cette réforme, le législateur va entourer et restreindre encore le champ de la responsabilité du pilote.

On citera principalement trois articles ; Le premier est l’article 18 qui dispose que « Le pilote n'est pas responsable envers les tiers des dommages causés au cours des opérations de pilotage. Il doit contribuer à la réparation, dans ses rapports avec l'armateur du navire piloté, dans la mesure où celui-ci établit que le dommage est dû à une faute du pilote »

Le second est l’article 20 disposant que « Tout pilote doit fournir un cautionnement. »

Et enfin l’article 21 qui dispose lui que « Le pilote, par l'abandon de ce cautionnement, peut s'affranchir de la responsabilité civile résultant des articles précédents, sauf dans le cas où la faute par lui commise constitue une infraction à l'article 79 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande[42]. »

S’agissant de la responsabilité vis-à-vis des tiers, la responsabilité est désormais clairement canalisée sur l’armateur, la présence à bord du pilote n’enlevant rien au commandement du capitaine.

En cas de dommages aux tiers, seul l'armateur du navire piloté devra réparer les dommages causés aux tiers. Il s’agit d’une affaire intérieure entre le navire piloté et le pilote, et ce quelle que soit la faute et y compris en cas d’abordage[43].

La règle comporte néanmoins deux limites. La première est la faute du pilote qui l’engage alors à indemniser l’armateur mais dans la limite de son cautionnement.

Parmi les fautes ayant pu engager la faute des pilotes, on peut citer à titre d'exemples la négligences dans l'observation des feux, dans les sondages[44], la fourniture de renseignements erronés conduisant à engager le navire en dehors du chenal sans avoir la certitude que les fonds sont suffisants (faute lourde reconnue)[45], les renseignements erronés sur les conditions locales de navigation, à condition que le pilote – un pratique – ait été à même de connaître leur inexactitude[46].

La seconde limite est la faute intentionnelle du pilote qui ouvre la voie à une indemnisation totale de l’armateur, la libération du pilote par l’abandon de son cautionnement ne pouvant s’appliquer[47].

Le pilote, enfin, n'est responsable que des conséquences directes de sa faute et non des répercussions lointaines ou indirectes (C. civ, art. 1150) ; s'il y a pillage du navire échoué, le pilote ne répond pas de ce dommage.

Pourtant, cette loi a fait une importante impasse. Ainsi, comme le fait remarquer le Professeur Antoine Vialard, la loi de 1969, en abrogeant celle du 14 mars 1935 relative à la responsabilité civile des pilotes, a complètement oublié le problème de la responsabilité du pilote concernant les dommages causés au navire piloté[48].

Si la doctrine, quasi unanimement, considère que le dommage causé au navire par la faute prouvée du pilote engendre sa responsabilité dont il peut se libérer par l’abandon de son cautionnement, la solution n’est en réalité pas prévue par cette loi. « Il serait par ailleurs difficile d’établir cette solution par référence aux usages professionnels, qui la justifierait le plus certainement, ou par une clause contractuelle de limitation de responsabilité ».

Il n’y a pas de jurisprudence connue à ce jour ayant statué sur le problème. Cette responsabilité du pilote envers l’armateur ne pouvant être, dans ce cas précis, que contractuelle, un certain risque subsiste. En effet il serait possible pour un armateur de rechercher la responsabilité civile du pilote pour les dommages causés au navire piloté lors de l’exécution du contrat de pilotage.

Dans ce cas particulier, le pilote ne pourrait faire jouer la limitation de responsabilité dont il bénéficie traditionnellement, et dont il bénéficiait sous le régime de la loi du 14 mars 1935.

Ne pouvant limiter directement sa responsabilité en se fondant sur les textes, le pilote devrait alors soit recourir à l’assurance soit espérer une extension jurisprudentielle de la limitation de responsabilité.

Selon le Professeur Vialard, il pourrait être remédié contractuellement à ce vide. Pour d’autres, la voie législative, assurant une plus grande sécurité juridique, semble la plus appropriée, d’autant plus qu’une modification mineure de la loi de 1969 serait nécessaire. Il suffirait d’ajouter un alinéa à l’article 18 qui pourrait se lire ainsi :

« Le pilote est responsable, envers l’armateur, des dommages causés au navire piloté lors des opérations de pilotage ou au cours des opérations d’embarquement ou de débarquement du pilote ». Cela aurait pour conséquence, à travers l’article 21, de faire bénéficier le pilote de la possibilité de limiter sa responsabilité civile, dans ce cas, par l’abandon de sa caution. Toute insécurité juridique serait ainsi levée[49].

Notre histoire continue dans les années 80 et 90 avec l’évolution de la législation pénale. Une première Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes[50] et modifiant le Code Pénal est publiée le 3 février 1981[51].

Les articles qui concernant notre sujet sont modifiés et visent désormais de manière plus large les objets mobiliers ou immobiliers sans les citer nommément comme auparavant.

L’article 434 est désormais rédigé comme suit :

Art. 434. - Quiconque aura, volontairement, détruit ou détérioré un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui, sera, sauf s'Il s'agit de détériorations légères, puni d'un· emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 2 500 F à 50 000 F ou ·de l'une de ces deux peines seulement. Lorsque la destruction ou la détérioration aura été commise avec effraction, l'emprisonnement sera d'un· an à, quatre ans et l'amende de 5 000 F à 100 000 F.

Il en sera de même :

1° Lorsque l'infraction aura été commise au préjudice d'un magistrat, d'un juré ou d'un avocat, en vue d'influencer son comportement da11s l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;

2° Lorsque l'infraction aura été commise au préjudice d'un témoin, d'une Victime ou de toute autre personne, soit en vue de les déterminer à ne pas dénoncer les faits, à ne pas porter plainte, à ne pas faire de déposition, ou à faire une déposition mensongère, soit en raison de la dénonciation, de la plainte ou de la déposition.

Quant à l’article 435, il prend la forme suivante :

Art. 435. - Quiconque aura volontairement détruit ou détérioré un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui, par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire, ou d'un incendie, ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes, sera puni d'un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d'une amende de 5 000 F à 200 000 F.

L'emprisonnement sera de dix à vingt ans si l'infraction a été préparée par une association de malfaiteurs.

Il en sera de même lorsque l'infraction aura été commise dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 434.

Seuls ces deux articles sont expressément visés par l’article 79 du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande.

Or, dans leurs versions précédentes, les articles 434 et 435 du Code Pénal embrassaient aussi le cas où la destruction du bien avait entraîné la mort de personnes. Tel n’est plus le cas dans les « nouveaux » articles 434 et 435, ce cas de la mort de personnes ayant été renvoyé à un nouvel article 437 rédigé comme suit :  

Art. 437. - Quiconque aura, volontairement, détruit ou détérioré un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui, par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire, d'un incendie ou de tout autre moyen, sera puni de la réclusion criminelle à perpétuité, lorsque la destruction ou la détérioration aura entraîné la mort d'une personne ou une infirmité permanente, ,sans préjudice, s'il y a lieu, de l'application de l'article 302 (alinéa 1).

La question qui se pose est bien entendu de savoir si cet article aurait pu avoir vocation à s’appliquer à un pilote poursuivi au visa de l’article 79 du Code Disciplinaire et Pénal. Probablement, dans la mesure où le juge aurait alors poursuivi eau seul visa de cet article et non à celui de l’article du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande.

On notera également la disparition de la peine capitale, remplacée par une peine de réclusion à perpétuité, sauf dans le cas très précis visé à l’article 302, alinéa 1 du Code Pénal qui disposait que « Tout coupable d'assassinat, de parricide et d'empoisonnement, sera puni de mort ».

Il est cependant difficile d’envisager l’application de cet article au pilote coupable de naufrage volontaire, tant la notion d’assassinat est lourde de sens et de conséquences[52]

Cette question n’eut pas réellement le temps de se poser puisque quelques mois plus tard, le 9 octobre 1981, le gouvernement de l’époque fit voter une loi portant abolition de la peine de mort[53].

Cette Loi entraînera la modification de tous les articles du Code Pénal mentionnant la peine capitale.

Depuis 1981 donc, le pilote coupable d’échouement volontaire d’un navire, ayant entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes, n’est donc plus passible de la peine de mort.

Le Code Disciplinaire et Pénal connut une modification technique lors de l’entrée en vigueur du nouveau Code Pénal en 1994, les anciens articles 434 et 435 étant désormais remplacés par les articles 322-6 à 322-11 du code pénal[54].

La peine la plus sévère reste la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction visée à l’article 322-6 (dégradations volontaires) a entraîné la mort d’autrui.

D – La Situation actuelle

Le dernier épisode de notre histoire date d’il y trois ans avec la promulgation du Code des  Transports, fruit d’un gigantesque travail de codification attendu depuis plus de quinze ans et envisagé dès 1982[55].

Cette opération de codification de la Loi de 1969 « à droit constant » ne s’est cependant pas faite sans remous.

En effet, dans sa version initiale, la rédaction de l’article L 5341-14 (ancien article 21) était sensiblement différente de celle existant dans la Loi.

Le nouvel article prévoyait ainsi que le pilote, par l'abandon du cautionnement mentionné à l'article L. 5341-13, pouvait s'affranchir de la responsabilité civile résultant de l'application des dispositions des articles L. 5341-11 et L. 5341-12, sauf si la faute est de nature à donner lieu à procédure disciplinaire.

Cette rédaction ouvrait objectivement la voie à une responsabilité financière beaucoup plus large du pilote puisque que désormais, une simple faute disciplinaire pouvait faire « sauter » le cautionnement.

Face à cette aggravation, la communauté des pilotes a saisi le Conseil d’Etat d’une procédure administrative de référé-suspension. Dans sa décision du 28 décembre 2010, le juge administratif a considéré que ce texte, qui a pour effet d’étendre la responsabilité civile des pilotes, « risque d’aggraver leurs obligations financières et de modifier l’état du droit en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance, porte une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts ». En conséquence, puisque les conditions d’urgence et d’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité du texte litigieux sont remplies, l’exécution de l’article L. 5314-14 du Code des Transports est suspendue[56] ».

Quelques semaines après cette décision, l’ordonnance 2011-24 du 24 février 2011 est venue corriger ce point avec une rédaction désormais conforme à celle prévalant avant l’entrée en vigueur du Code des Transports.

Au-delà du problème de fond posé par ce cautionnement, on peut quand même s’étonner du fait que le législateur ait tenté ce qui s’apparente à un « passage en force », face à une profession et une fédération professionnelle que l’on sait être très vigilante sur la défense de ses intérêts et extrêmement sensible à la question des responsabilités de la profession.

Le Code des Transports contient désormais une « Section 3 - Responsabilité du pilote » dans laquelle nous trouvons sept articles reprenant les anciennes dispositions et rédigées comme suit :

L. 5341-11

Le pilote n’est pas responsable envers les tiers des dommages causés au cours des opérations de pilotage.

Il contribue à la réparation, dans ses rapports avec l’armateur du navire piloté, si celui-ci établit que le dommage est dû à une faute du pilote.

L. 5341-12

Au cours des opérations de pilotage ou au cours des manœuvres d’embarquement et de débarquement du pilote, les accidents survenus au pilote sont à la charge de l’armateur du navire piloté, à moins qu’il n’établisse la faute du pilote ou de l’équipage du navire dénommé « bateau-pilote ».

Au cours des mêmes opérations, les avaries causées au bateau-pilote sont à la charge de l’armateur du navire piloté, à moins qu’il n’établisse la faute lourde du pilote.

Au cours des manœuvres d’embarquement et de débarquement du pilote, les accidents survenus à l’équipage du bateau-pilote sont à la charge de l’armateur du navire piloté, à moins qu’il n’établisse la faute du pilote ou de l’équipage du bateau-pilote.

L. 5341-13

Le pilote fournit un cautionnement.

L. 5341-14

Le pilote, par l'abandon du cautionnement mentionné à l'article L. 5341-13, peut s'affranchir de la responsabilité civile résultant de l'application des dispositions des articles L. 5341-11 et L. 5341-12, sauf si sa faute est d'avoir, volontairement et dans une intention criminelle, échoué, perdu ou détruit un navire par quelque moyen que ce soit.

L. 5341-15

Le cautionnement est affecté par premier privilège à la garantie des condamnations prononcées contre le pilote pour fautes commises dans l’exercice de ses fonctions.

Le cautionnement est affecté par second privilège au remboursement des fonds prêtés pour la constitution totale ou partielle de ce cautionnement.

L. 5341-16

Les fonds constitués en cautionnement ne peuvent, pendant la durée des fonctions du pilote, être saisis pour d’autres créances que celles en faveur desquelles les dispositions de l’article L. 5341-15 instituent un privilège.

L. 5341-17

L’action née à l’occasion du pilotage se prescrit par deux ans après achèvement des opérations de pilotage.

Le Code Disciplinaire et Pénal n’échappa pas à la codification et l’article 79 est devenu l’article L.5263-2 disposant désormais « qu’est puni des peines encourues pour les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes, réprimées par les articles 322-6 et 322-7 à 322-11 du code pénal, le fait d'échouer, de perdre ou de détruire, volontairement et dans une intention criminelle, un navire par quelque moyen que ce soit. »

La boucle est désormais bouclée. Au terme d’une très longue évolution législative, marquée pendant des siècles par la grande sévérité des sanctions infligées à celui à qui était confié le sort du navire, le législateur a peu à peu adouci le sort du pilote, que ce soit au regard des poursuites pénales qu’à celui de sa responsabilité civile envers les tiers et l’armateur qui a loué ses services.

Nos sources pour cet article

Œuvres complètes Démosthène et d’Eschine, J.F. Stievenart, 1842, Editions Firmin Didot Frères, p. 422.

Dictionnaire Universel de Droit Maritime au point de vue administratif, commercial et pénal, Aldrick Caumont, Editions Bruyland Christophe et Cie, 1867, p.770.

Dictionnaire Universel du Droit Commercial Maritime, ou répertoire méthodique et alphabétique, Aldrick Caumont, Seconde Edition, Tome II, 1858, p. 566 et s.

Le Droit Maritime International, considéré dans ses origines et dans ses rapports avec les progrès de la civilisation, Eugène Cauchy, Tome premier, Editions Guillaumin et Cie, p. 156

Collections de Lois Maritime antérieures au XVIIIième siècle, Jean-Marie Pardessus, Tome premier, Imprimerie Royale, 1828, p110

Traité des Assurances et des Contrats à la Grosse, Balthazar Emerigon, Tome premier, Editeur Molliex, 1827, p. 400

Notice du Livre de Boucher intitulé: consulat de la mer: ou Pandectes du droit commercial maritime, Jean-Denis Lanjuinais, Editions J.B. Sajou, 1808

Cours de Droit Maritime Commercial, Boulay-Paty, Tome premier, Société Belge de Librairie, 1838, p. 8

L’évolution de la législation relative au pilotage par Muriel Thoin – septembre 2009, disponible sur le site de la Société Française d’Histoire Maritime : http://bit.ly/1bFYR5C

Consulat de la Mer ou pandectes du Droit Commercial et Maritime, P.B. Boucher, Editions Arthus Bertrand, 1808, Tome Second, p. 429.

Dictionnaire Universel de Commerce contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde, ouvrage posthume de Jacques Savary des Brûlons, sixième édition, 1750, Tome Second, p. 995

Les Us et Coutumes de la Mer, divisées en 3 parties : I. De la Navigation. II. Du Commerce naval et contracts maritimes. III. De la Jurisdiction de la marine. [-Explication des termes de marine employez par les édicts, ordonnances et règlemens de l'Admirauté], Etienne Cleirac, Jean Lucas, 1671, p.411, n°18

Les Us et costumes de la mer, divisées en 3 parties : I. De la Navigation. II. Du Commerce naval et contracts maritimes. III. De la Jurisdiction de la marine. [-Explication des termes de marine employez par les édicts, ordonnances et règlemens de l'Admirauté], Cleirac, Estienne,Éditeur : G. Millanges (Bourdeaux), 1647

Code maritime ou lois de la marine marchande, administratives, de commerce, civiles et pénales, A Beaussant, Tome 1, Editions Edouard Legrand, 1840, n°348

Nouveau commentaire sur l'ordonnance de la marine, du mois d'août 1681, Valin René-Josué, Ed Jérôme Légier, 1776. Tome 2, p. 506 et s.

Recueil général des arrêts du conseil d'état, Germain Roche et Félix Lebon, Imprimerie et Librairie Administrative de Paul Dupont et Cie, Tome premier, 1839, p. 81

Des capitaines Maîtres et Patrons ou Traité de leurs droits et obligations au point de vue commercial, civil, administratif et pénal, et dans leurs rapports avec les armateurs, chargeurs et assureurs, H. Eloy et J. Guerrand, Tome II, Editions Guillaumin et Cie, 1860, p. 536

Du Pilotage, Thèse pour le Doctorat, Paul Meunier, Editions Arthur Rousseau, 1894

Traité Général Théorique et Pratique de Droit Commercial – Droit Maritime, Georges Ripert, Tome premier, Editions Arthur Rousseau, 1913, n°611 et s.

Droit Maritime, seconde édition, Georges Ripert, Tome premier, Navigation – Navires – Personnel – Armateurs – Créanciers, Rousseau et Cie, 1922, n°850 et s.

Droit Maritime, troisième édition, Georges Ripert, Tome premier, Navigation – Navires – Personnel – Armateurs – Créanciers, Rousseau et Cie, 1929, n°850 et s.

Droit Maritime, quatrième édition, Georges Ripert, Tome premier, Navigation – Navires – Personnel – Armateurs – Créanciers, Librairie Dalloz, 1950, n°850 et s.

Traité Général de Droit Maritime, René Rodière, Introduction, L’armement (ses agents, ses auxiliaires, limitation de responsabilité), Dalloz, 1976, n°434 et s.

Traité théorique et pratique de l’abordage maritime, Louis Thiébaut, 1903, Librairie de la Société du Recueil Général des Lois et des Arrêts, p. 178 et s.

Droit Maritime, Antoine Vialard, 1997, Presses Universitaires de France, p. 192 et s.

Traité de Droit Maritime, Pierre Bonassies et Christian Scapel, 2ième édition, 2010, L.G.D.J, p. 465 et s.

Revue de Droit Maritime Comparé

Droit Maritime Français

La responsabilité civile du pilote, Commandant François Laffoucrière, Droit Maritime Français 2008, p. 595

La responsabilité disciplinaire et pénale du pilote (première partie), Commandant François Laffoucrière, Droit Maritime Français 2011, p. 3

La responsabilité disciplinaire et pénale du pilote (seconde partie), Commandant François Laffoucrière, Droit Maritime Français 2011, p. 103

Le pilotage Maritime, Louise-Adélaïde Bignault, Mémoire DESS 2002

Jurisclasseur Transport, fascicule 1181, le pilotage.



 

[*] Article disponibible en version pdf ici

[1] Collection de lois, maritimes antérieures au XVIIIe siècle, Tome 1, J.M. Pardessus, 1828, p.332 et s

[2] Ces règles ayant été utilisées dans toute l’Europe et sont, au moins pour partie, à l’origine de la Loi de l'Amirauté britannique

[3] Traité de Droit Maritime, Georges Ripert, 2ième édition,1922 Tome 1, n°850 et s.

[4] Homme du lieu ou Homme du plomb, selon les auteurs. Voir à ce sujet la définition figurant dans le « Dictionnaire Universel de Commerce contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde », ouvrage posthume de Jacques Savary des Brûlons, sixième édition, 1750, Tome Second, p. 995. Pour la définition du pilote, voir dans le même ouvrage, Tome troisième, p.193.

Voir aussi Cleirac, Les Us et Coutumes de la Mer, Jean Lucas, 1671, p.411, n°18 : Lamaneurs, sont pilotes et guides de rivières et havres particuliers, que les maîtres de navires, et pilotes étrangers lorsqu’ils ne connaissent pas les routes et dangers desdites rivières et havres sont obligés de prendre et louer pour les conduire et touër. Et c’est ce qui est nommé dans la charte-partie, menus pilotages.

Voir enfin Collection de lois, maritimes antérieures au XVIIIe siècle, Tome 2, J.M. Pardessus, 1828, p. p. 657 pour le lamaneur et p.663 pour le pilote

[5] Il faudra ainsi attendre le XXième siècle pour que la responsabilité civile des pilotes soit régie par un texte spécifique.

[7] En version origniale : Si magister navis sine gubernatore in flumen navem immiserit, et tempestate orta, temperare non potuerit, et navem perdiderit, vectores. habebunt adversus eum ex locato actionem.

[8] La clef des lois romaines, ou Dictionnaire analytique et raisonné de toutes les matières contenues dans le corps du Droit, Volume 2, Fieffé-Lacroix, Editions C Lamord, 1810, p. 714 http://bit.ly/15VdfBh

[9] Traité des assurances et des contrats à la grosse d'Émérigon, Volume 1, Par Balthazard-Marie Emerigon, conféré et mis en rapport avec le nouveau Code de Commerce et la Jurisprudence, par S Boulay-Paty, Editeur Molliex, 1827, p. 400 : http://bit.ly/16yjn8M

[10] Collections de Lois Maritime antérieures au XVIIIième siècle, Jean-Marie Pardessus, Tome premier, Imprimerie Royale, 1828, p110

[11] Le Droit Maritime International, considéré dans ses origines et dans ses rapports avec les progrès de la civilisation, Eugène Cauchy, Tome premier, Editions Guillaumin et Cie, p. 156

[12] Voir Notice du Livre de Boucher intitulé: consulat de la mer: ou Pandectes du droit commercial maritime, Jean-Denis Lanjuinais, Editions J.B. Sajou, 1808 : http://bit.ly/174swAW

[14] Voir aussi la version du blacke booke  : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k502894

Article 33 : Item, se ung lodeman prent charge sur luy de amener une nef en aucun port et avient quen sa deffaulte la nef soit périe et les marchandises endommagées le lodeman est tenu de restorer et amender ses dommages tout au long si bien au seigneur de la nef comme aux marchants, pourtant que ung lodeman ne prendra point lodemanage sur lui ail nait bon et plaine congnoissance du chemin pour faire et accomplir le lodemanage, dieu aidant.

Article 34 : Item, estably est pour costume de mer que se une nef est perdue par la deffaulte dun lodeman les mariners puent, si leur plaist, amener le lodeman au guyndas ou a ung autre lieu et couper sa teste sans quen apres le maistre ou nul de ses mariners soit tenu den respondre devant aucun autre juge, pource que le lodeman fist grande trayson a son entreprise de lodemenage. Et cest le jugement en cest cas.

[15] Les Us et costumes de la mer, divisées en 3 parties : I. De la Navigation. II. Du Commerce naval et contracts maritimes. III. De la Jurisdiction de la marine. [-Explication des termes de marine employez par les édicts, ordonnances et règlemens de l'Admirauté], Cleirac, Estienne,Éditeur : G. Millanges (Bourdeaux), 1647. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k83968f

[16] Voir les quelques mots de de A de Courcy dans son « Questions de Droit Maritime, tome 2, 1879, Cotillon et Cie, p.77

[17] Nouveau commentaire sur l'ordonnance de la marine, du mois d'août 1681, Valin René-Josué, Ed Jérôme Légier, 1776. Tome 2, p. 506 et s.

[19] Article 12 du Code Pénal de 1810 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57837660/f11.image

[20] Articles 2 et 3 du Code Pénal de 1791 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6532512s

[21] A Beaussant : Code maritime ou lois de la marine marchande, administratives, de commerce, civiles et pénales, Tome 1, Editions Edouard Legrand, 1840, n°348

[22] A Beaussant : Code maritime ou lois de la marine marchande, administratives, de commerce, civiles et pénales, op.cit,, n°419

[23] Cour d’Appel de Rennes, 3 août 1832, Sirey 1832, 2ième partie, p. 547.

[24] Recueil général des arrêts du conseil d'état, Germain Roche et Félix Lebon, Imprimerie et Librairie Administrative de Paul Dupont et Cie, Tome premier, 1839, p. 81. http://bit.ly/17lGOyk

[25] Loi qui ne fût abrogée qu’en 2007 pour resurgir sous une autre forme quelques années plus tard.

[26] Cass, Ch Crim, 30 avril 1874, Jurisprudence générale du royaume en matière civile, commerciale et criminelle : ou Journal des audiences de la Cour de Cassation, 1875, 1ière partie, p. 178 et s. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5836262d

[27] Voir Trib. De Comm. du Havre, 3 mars 1885, ou il a été jugé que la responsabilité des fautes d’un pilote retombe sur le navire qu’il conduisait vis-à-vis des tiers auxquels la fausse direction du navire a causé préjudice. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5688414j/f94.image

Voir aussi Cour de Cass. 23 juin 1896, ou il a été jugé que l’armateur est civilement responsable des faits de tous ceux qui sont préposés à la conduite du navire, que les pilotes lamaneurs étant des agents légalement préposés à la conduite du navire, l’armateur est civilement responsable de leur faite, qu’il importe peu à cet égard que leur assistance soit imposée.

[28] Du Pilotage, Thèse pour le Doctorat, Paul Meunier, Editions Arthur Rousseau, 1894, p. 187 et s.

[29] Université de Paris. Faculté de droit. Du Pilotage maritime en France et dans les pays étrangers, étude critique de législation comparée. Thèse pour le doctorat, Louis Laurent-Toutain, Editions Rousseau, 1918.

[30] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61228041/f49.image

[32] Voir le texte des articles du Code Pénal : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61228041

[33] Voir supra note 23

[34] Cassation, 12 Juin 1934, Droit Maritime Français, 1934, p. 351. http://bit.ly/16UUZL5 ou http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62136303/f358.image

[35] Cas excessivement rare dont nous n’avons trouvé aucune trace dans les tables de jurisprudence consultées.

[36] Décret du 3 mars 1936 portant application de la  loi du 14 mars 1936 sur la responsabilité civile des pilotes ; http://bit.ly/14FINuK

[37] Voir la conversion sur le site de l’INSEE : http://bit.ly/16QUamz

[38] Arrêté du 13 février 1970 relatif au cautionnement des pilotes : http://bit.ly/16QVntU

[39] Arrêté du 3 septembre 1986 relatif au cautionnement des pilotes : http://bit.ly/16QVEwX

[40] Arrêté du 1er juillet 1999 fixant le montant du cautionnement des pilotes maritimes : http://bit.ly/16QW0DK

[41] Voir infra n°38

[42] Article déjà cité et qui dispose, dans sa version actuelle que : Toute personne qui, en dehors des cas prévus par le Code de justice militaire, échoue, perd ou détruit, volontairement et dans une intention criminelle, un navire quelconque, par quelque moyen que ce soit, est punie des peines encourues pour les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes, réprimées par les articles 322-6 à 322-11 du code pénal (Les peines prévues par ces articles du Code Pénal vont jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il y a mort d’autrui).

[43] Voir article 5 de la loi n°67-545 du 7 juillet 1967 (devenu Article L5131-5 du Code des Transports).

[44] Cass. crim., 30 avr. 1874, Labat : DP 1875, 1, p. 178 op.cité.

[45] Cass. req., 12 juin 1934, Bouquet c/ Schauer : Gaz. Pal. 1934, 2, p. 402 et CA Bordeaux, 2 févr. 1931, mêmes parties : Gaz. Pal. 1931, 1, p. 426, op.cité.

[46] Cass. req., 12 juin 1934, Bouquet c/ Schauer : Gaz. Pal. 1934, 2, p. 402 et CA Bordeaux, 2 févr. 1931, mêmes parties : Gaz. Pal. 1931, 1, p. 426

[47] Voir supra notre propos sur la loi du 14 mars 1935.

[48] Antoine VIALARD, Pilotage maritime et responsabilités – Réflexions sur quelques questions anciennes et nouvelles, Annuaire de droit maritime et aérien, 1991, pp. 19-33.

[49] La responsabilité civile du pilote, Commandant François Laffoucrière, D.M.F 2008, n°694, p. 609.

[50]  Loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, J.O 3 février 1981, p. 415 et s. http://bit.ly/128BdM7

[51] Cà ne s’invente pas….private joke de l’auteur.

[52] Le meurtre et l'assassinat sont deux notions juridiques souvent confondues. Mais meurtrier n'est pas synonyme d'assassin. Si ces deux infractions sont des crimes constitués par un homicide intentionnel, l'assassinat est considéré comme plus grave que le meurtre car il est commis avec une circonstance aggravante : la préméditation. Contrairement au meurtrier, l'assassin doit avoir le dessein mûri et réfléchi de tuer la victime avant d'accomplir son acte. Il est désormais défini à l’article 221-3 du Code Pénal comme étant « un meurtre commis avec préméditation ou guet-apens ». Il figurait auparavant aux articles 296 et suivants du Code Pénal : http://bit.ly/14EU52c

[53] Loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort : http://bit.ly/13CmOp6. Son article 3 de la loi prévoyait que « « dans tous les textes en vigueur prévoyant que la peine de mort est encourue, la référence à cette peine est remplacée par la référence à la réclusion criminelle à perpétuité ou à la détention criminelle à perpétuité suivant la nature du crime concerné. »

[54] Loi nº 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 197 Journal Officiel du 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994

[55] Programme 1996-2000 annexé à la Circulaire du Premier ministre du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires, Journal Officiel de la République Française du 5 juin 1996, p. 8263 : http://bit.ly/16RChFR. Le projet prend sa source dans la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

[56] CE, Juge réf, 28 décembre 2010 (http://bit.ly/17lD4wS.).

Voir aussi Rev. dr. Transp. Avril 2011, comm. n°64, obs. M. Ndendé (http://bit.ly/14Kffmq

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