Par Décret 2014-348 du 18 mars 2014 paru au Journal officiel du 20 mars 2014, le gouvernement a publié un décret d'application du protocole de 1992 modifiant la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Ce nouveau texte a pour objet de définir la procédure de constitution et de répartition du fonds de limitation de responsabilité constitué par le propriétaire du navire en cas de marée noire.
Ce texte est un "vade mecum" pour ceux qui voudraient constituer le fonds. Objectivement, ce texte n'est pas de trop et pour en avoir souvent parlé à certains avocats en charge de ces dossiers, le fait de déterminer clairement le mode opératoire de constitution du fonds permettra de sécuriser la procédure, et principalement les armateurs.
On notera quand même deux petites choses
- Une approximation (coupable) dans les références. En effet, le Décret renvoie à la "conventions internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, publiée par le décret n° 96-718 du 7 août 1996 et à la Convention internationale de 1992 portant création d'un Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, publiée par le décret n° 96-719 du 7 août 1996 ;
C'est sans doute jouer sur les mots mais il n'y a pas eu de convention en 1992 mais un "simple" protocole additionnel, les conventions d'origine datant respectivement de 1969 et 1971. Ce raccourci du législateur fait un peu amateur mais bon. Celà n'aurait rien coûté d'être plus précis sur le texte sur lequel on s'appuie.
Autre remarque, plus sur le fond. Autant la procédure de répartition du fonds lorsque les sommes réclamées sont inférieures au montant du fonds constitué est claire, autant celle lorsque le fonds est insuffisant est un peu nébuleuse et nous paraît source de discussions, ce que justement le Décret a pour but d'éviter. Certes, les conventions visées prévoient bien qu'en cas d'insuffisance des fonds, les sommes disponibles seront réparties entre les créanciers mais le Décret ayant justement pour but de préciser les choses, il n'aurait pas été vain de le rappeler.
Le rapport 2014 d'Allianz Global Corporate & Speciality consacré au monde maritime et intitulé "Safety and Shipping Review 2014" nous apprend que l'obsolescence programmée (parfois aussi appelée "désuétude planifiée") ne devait pas exister lorsque le Cleopatra (Hantallar) a été construit en 1906.
En effet, ce navire vient juste de terminer sa carrière sur les côtes turques de Tekirdag ou il s'était échoué en septembre 2013.
Sans cet incident, il aurait sans doute pu encore continuer sa carrière quelques années, même s'il est assez probable qu'il ne répondait plus réellement aux "standards" actuels en matière de sécurité maritime.
L'histoire de ce navire n'est pas simple à retrouver et Il est difficile de trouver des informations sur sa longue carrière de 108 ans (!)
Tout juste sait-on qu'il fut construit à Hull, en Grande-Bretagne par les chantiers "EARLE'S SHIPBUILDING", sous le numéro 503. D'une jauge brute de 555 tonneaux, long de 57 mètres et large de 7, il fut baptisé Cleopatra à son lancement. Il pris le nom de Cleopatra III en 1915 avant de retrouver son nom d'origine en 1919. Il change à nouveau de nom en 1935 et devient le Kylias jusu'en 1968 ou il prend le nom de Sadik Kaptan avant de devenir l'Hantallar en 1991, nom qu'il gardera jusqu'à son démentèlement en 2013 à l'endroit de son échouement.
Difficile également de connaître ses différents propriétaires. Les informations sont très parcellaires et il est quasi impossible de trouver des informations véritablement fiables. Tout juste peut-on supposer qu'il a rejoint la Turquie en 1995 et qu'il est demeuré la propriété de de la société Dursun Hantal ve Ortaklari, domiciliée à Istambul. Une comparaison croisée entre les informations disponibles sur Equasis et Clarkson semblent en effet confirmer que Dursun Hantal était bien le propriétaire du navire (single ship company avec la même jauge gérée par la compagnie que celle du navire) au moment de son échouement.
Ce qui est certain, c'est que son coût de construction a du être plus qu'amorti durant ces longues années et que cette longévité contraste très sérieusement avec ce que l'on peut actuellement constater avec des navires "sortant" de flotte au bout de 10 ans et conduits en Inde ou au Pakistan pour y être démolis.
Loin d'une obsolescence programmée, ce navire prouve que certaines choses peuvent durer, pour tout et autant qu'elles soient bien construites, et qu'elle soient faites pour durer.....Il y a donc assez peu de chances que l'on puisse voir des CMA CGM MARCO POLO naviguer en 2120......tout comme nous d'ailleurs.....
L'annonce est venue de Rolls-Royce ; Il est donc difficile de ne pas la prendre avec sérieux. Après les voitures et les avions, voici désormais que les navires sans équipage et contrôlés à distance sont à l'étude. Ce projet, porté par Rolls-Royce, pourrait bien bouleverser l'industrie du transport maritime.
Aujourd'hui, les drones sont en passe de devenir les maitres des airs. Les voitures automatisées pourraient, elles, se répandre sur les routes. Pour la mer, le futur pourrait être le cargo télécommandé à distance.
Derrière ce projet, on retrouve le constructeur Rolls-Royce Holdings qui souhaite lancer sur les océans des bateaux contrôlés à distance par un capitaine (devra t'on alors l'appeler plutôt opérateur de NSE -Navire sans Equipage...!
Le développement de cette technologie a commencé il y a un an déjà et le constructeur semble avoir bien avancé depuis. L'objectif final est de faire naviguer des cargos sans que ceux-ci ne transportent le moindre personnel, seulement de la marchandise.
Il semble d'ailleurs que Rolls-Royce ne soit pas la seule entreprise à travailler sur le sujet. On trouve ainsi un autre programme dénommé MUNIN – Maritime Unmanned Navigation through Intelligence in Networks financé par la Commission Européenne et dont le but est identique. Preuve que le sujet intéresse.
Pour autant, et même si les recherches avancent, les navires sans équipage sont encore loin d'être prêts à lever l'ancre. Les obstacles devraient être à peu près aussi nombreux que ceux que rencontreront ceux et celles qui voudront faire voler des avions transportant des passagers ou du fret sans qu'il n'y ait de pilote à bord.
En effet, au delà des problèmes d'ordre technique, d'autres obstacles seront à franchir, et ils seront nombreux : problèmes de législation (faire naviguer un navire sans équipage est tout simplement illégal à ce jour), de prérogatives de l'Etat du pavillon, problèmes d'assurance (un navire sans équipage est à ce jour réputé être en état d'innavigabilité, et donc innasurable), de recherche et sauvetage (SAR), de responsabilité en cas de naufrage, d'abordage, etc....
Au final, les mêmes problèmes que connaissent les voitures automatiques. Cependant, il faudra également considérer une maintenance automatisée du bâtiment, des organes de propulsion et/ou de navigation redondants car il serait en effet bête de tomber en panne au milieu de l'océan.
Les présentations disponibles sont d'ailleurs très claires à ce sujet "It will take time before we see the first fully autonomous ship !"
Et que dire des problèmes liés à la sûreté du navire. Comment lutter contre la piraterie, le terrorisme, le pillage, les vol, le détournement informatique du navire etc...
En effet, si le navire est est contrôlable à distance, nul doute que quelqu'un tentera de pirater le système pour s'approprier la conduite du navire et sa cargaison, à des buts lucratifs....ou non.
Devra t'on alors envisager que le navire puisse "se défendre" seul face ce que ses algorithmes considèreraient comme une menace. Devra t'on envisager de faire survoler le navire en permanence par des drones qui iraient se "recharger" sur le navire et qui pourraient assurer sa protection ?
La liste des problèmes semble insurmontable pour encore de très nombreuses années mais, à n'en pas douter, les recherches vont se poursuivre car, du côté des armateurs, cette automatisation présenterait de sérieux avantages. Tout d'abord, s'il n'y a plus d'humains à bord, cela écarte tout risque concernant la sécurité de l'équipage (accidents, tempêtes, pirates...). Mais cet argument, avancé par Rolls-Royce n'est certainement pas la principale motivation des armateurs et des dévelopeurs de ce programme. Le nombre de marins prisonniers des pirates et/ou abandonnés par leur armateur estinfinitésimal (au regard du mombre total de marins dans le monde).
Il faut plutôt se tourner vers d'autres sources de dépenses. Avec ce système de navire "autonome", le navire se retrouverait plus léger (environ 5% de poids en moins) et cela permettrait une économie de fuel allant de 12 à 15 %. Enfin, et surtout, les armateurs n'auront plus à payer d'équipage... une économie pour eux d'environ 45 % sur le coût journalier d'exploitation d'un navire, même si cela signifie des centaines de milliers de suppressions d'emplois, le nombre de marins est estimé par l'ITF, opposée à ce projet, à environ un million dans le monde....
Le but ultime de Rolls-Royce est de fabriquer un "navire contrôlé à distance aussi sécurisé que les modèles actuels" . Mais l'entreprise pense que son cargo sera au final « encore plus sécurisé« . Ces navires sans équipage contrôlés par un capitaine installé sur la terre ferme et pourraient bien devenir un standard de demain. Rolls-Royce s'assure, en prenant les devants, une belle place sur le marché si de tels navires étaient un jour amenés à parcourir les mers.
Pour l'entreprise, les premiers navires concernés pourraient être les porte-conteneurs et les vraquiers ; Ils pourraient être déployés dans des eaux de la Baltique dans une dizaine d'années.
Pour notre part, nous sommes plus dubitatifs. Enlever systématiquement l'humain de toute industrie sous prétexte qu'elle serait "pénible" ou qu'elle coûte plus cher qu'un robot se heurte au bon sens. Que faire ensuite des humains ? Pour la version vaguement optimiste, je renvoie au dessin animé Wall-E et pour la version pessimiste à Terminator - Le soulèvement des machines....
En savoir plus
Chaque année qui passe apporte son lot de surprises dans cette affaire vieille de bientôt 12 ans. Nous en sommes à la cinquième décision de justice et rien n'indique que ce soit la dernière, tant celle rendue par la Cour d'Appel de Paris le 12 avril 2013 ne peut qu'entraîner un pourvoi en cassation de la part des assureurs concernés.
Après 12 ans de procédure, le propriétaire de la péniche LEYDEN doit être satisfait et se dire que tout vient à point à qui sait attendre et que la justice, aussi aveugle qu'elle puisse être, n'en sait pas moins être d'une étonnante générosité.
Rappelons (très) brièvement les faits. Le 22 octobre 2001, la péniche Leyden coule dans le port d'Ilon. Assurée en "corps et machines" auprès de la compagnie Groupama-Transport, son propriétaire se voit refuser la garantie des assureurs, notamment aux motifs que l'hypothèque grevant le bateau assuré aurait du faire l'objet d'une déclaration auprès des assureurs, obligation tirée d'un article des conditions générales du contrat.
Le Tribunal de Grande Instance statue en faveur de l'assuré et considère la clause comme non conforme aux exigences posées par le Code des Assurances. La jugement, infirmé par la Cour d'Appel, fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de Cassation, laquelle casse partiellement l'arrêt rendu par la Cour d'Appel.
Cette dernière, statuant sur renvoi, revient sur sa position et donne raison à l'assuré, tout en renvoyant à un autre jugement la détermination du préjudice de l'assuré.
Et loin d'être au bout de leurs peines après la décision de la Cour d'Appel (1), les assureurs du Leyden ont très certainement eu de nouvelles sueurs froides à la lecture de ce nouvel arrêt ; En effet, les juges ne se contentent pas de les condamner à payer ce que la police prévoyait lors de sa souscription, mais les condamnent également, sur la base de l'article 1150 du Code Civil, à indemniser l'assuré du préjudice né du refus de la compagnie d'appliquer la garantie d'assurance, ce refus ayant entraîné une perte de jouissance entre de son bien entre la date de la perte totale et la date de condamnation des assureurs.
Cet article, dont la rédaction n'a pas évolué depuis 1804, dispose que "Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée".
Pour les juges, les assureurs ne peuvent légitimement invoquer le fait que cet article ne trouverait pas à s'appliquer au motif que le dommage aurait été imprévisible ; Et les juges d'ajouter que la compagnie d'assurance ne pouvait ignorer, lors de la conclusion du contrat d'assurance, que l'inexécution par elle de son obligation de garantie était de nature à priver l'assuré de la jouissance de sa péniche qui lui servait de résidence principale, la police étant souscrite pour couvrir les dommages subis par le bateau et assurer la péniche au titre de la garantie multirisques habitation ;
La Cour justifie sa position en indiquant qu'il est indéniable que le défaut de versement par l'assureur des indemnités permettant à l'assuré de financer les travaux de remise en état de la péniche ou son remplacement est directement à l'origine du préjudice de jouissance de l'assuré, préjudice qui doit être indemnisé indépendamment de la justification des frais effectivement supportés par lui pour se reloger.
Dans leurs conclusions, les assureurs avaient bien entendu tenté de s'opposer à l'application de cet article en arguant que celui-ci n'était pas applicable, le refus de garantie qu'elle a opposé à l'assuré ne faisant pas partie des dommages pouvant être prévus lors de la conclusion du contrat. Pour les assureurs, seul pouvait s'appliquer l'article 1153 alinéa 4 aux termes duquel l'allocation de dommages et intérêts en cas de retard ou d'inexécution est conditionnée à la démonstration de la mauvaise foi du débiteur ; Or, le refus de garantie de l'assureur ne peut à lui seul caractériser une résistance abusive susceptible de donner lieu à une indemnisation distincte et les motifs opposés par l'assureur pour refuser sa garantie en l'espèce étaient légitimes car fondés sur des clauses de la police.
Ce nouveau rebondissement a de quoi inquiéter les assureurs, quels qu'ils soient. Une confirmation de ce jugement signifierait que les assureurs pourraient être tenus d'indemniser les assurés pour les conséquences d'une décision prise en application de leur police. Certes, l'arrêt circonscrit l'indemnisation aux conséquences dune décision erronée mais elle pourrait avoir des effets ravageurs et surtout contagieux.
(1) dont on rappellera que les conséquences devraient aller largement au delà du cas d'espèce