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Le CMA-CGM MARCO POLO : Impossible à sauver et à remorquer ? Non, mais....


2013MBST052 001 003 MARINE NATIONALE ALAIN MONOTMême si l'évènement s'est déroulé peu de temps après notre publication sur le sujet, il y a pourtant peu de chances pour que l'exercice qui vient de se dérouler au large de la Bretagne soit une conséquence directe de notre article du sur les problèmes posés par le remorquage de navires tels que le CMA-CGM MARCO POLO.
Ainsi, en partance pour l'Asie, le CMA-CGM Marco Polo a fait un petit "break" aux larges des côtes bretonnes pour participer à un exercice organisé par la préfecture maritime de l'Atlantique. Celle-ci était en effet désireuse de savoir si les moyens de sauvetage actuellement positionnés à la pointe Finistère sont suffisants pour assister, en cas de besoin, les plus grands navires de commerce actuellement en activité. Car, bien que l'Abeille Bourbon et son sistership l'Abeille Liberté (unités de 80 mètres et 209 tonnes de capacité de traction au croc), fassent partie des plus puissants remorqueurs d'Europe, la marine marchande a poursuivi, depuis leur mise en service en 2005, sa course au gigantisme. Cette tendance s'est particulièrement affirmée pour les porte-conteneurs et les paquebots avec des navires qui sont devenus gigantesques et qui se caractérisent notamment par une très forte prise au vent. La préfecture maritime souhaitait donc entrainer les personnels dédiés au sauvetage et valider, à la mer, les procédures théoriques mises en place pour gérer un incident impliquant un porte-conteneurs géant, qui se retrouverait à la dérive devant nos côtes. Rappelons qu'en pareil cas, le risque est le naufrage du navire avec la perte en pleine mer de milliers de conteneurs, boites à la dérive présentant autant de risques pour la navigation des autres bateaux, mais aussi pour les populations si elles venaient à s'échouer sur le littoral (nombre de conteneurs contiennent des matières dangereuses).


2013MBST052 001 008 MARINE NATIONALE ALAIN MONOTL'hypothèse retenue était une avarie de propulsion. Sitôt celle-ci connue et l'appel aux autorités côtières effectuée, le CMA CGM Marco Polo a fait l'objet du déploiement par hélicoptère d'une équipe d'évaluation et d'intervention, dont la mission est de faire à bord d'un bateau en difficulté l'état des lieux de la situation et préparer les opérations de sauvetage, en lien avec un centre de coordination terrestre et les moyens en mer (cette évaluation doit également être faite dans le cadre de la règlementation sur le ports refuge). L'Abeille Bourbon s'est ensuite présentée pour prendre en charge le navire long de 396 mètres et large de 53 mètres, capable d'embarquer 16.020 EVP. La suite est une opération "normale" de remorquage : arrêt du Marco Polo, dérive du navire, prise de remorque, tensionnement, remontée au vent des deux navires et enfin largage et récupération de la remorque ».
Le REX (Retour d'Expérience) de cet exercice sera intéressant car si l'opération du 9 mars fut un succès, la problématique du sauvetage de ce type de navire n'a pas véritablement trouvée de réponse complètement satisfaisante.
Parmi les choses que l'on peut cependant d'ores et déjà retenir, c'est qu'il peut faire ce que l'on appelle "un temps de curé" en Bretagne, y compris en mer et que cette météo (loin d'être exceptionnelle dans mon beau pays) a permis aux photographes de la Marine, Alain Monot et Sébastien Deschamps, de nous livrer de splendides images sur cette opération. Je cite volontiers leur nom car ayant de nombreuses fois publié leurs photos sur ce site, sans toujours mentionner expressément leur auteur, je tente ici de racheter ces fautes passées.
Plus sérieusement, l'exercice a permis de me faire mentir, au moins partiellement, la réussite de l'exercice démontrant qu'il est effectivement possible de remorquer de tels monstres des mers. Mais je ne m'avoue pas complètement vaincu car la mention du "temps de curé" n'est pas si anodine que cela. Dire que l'exercice s'est déroulé dans des conditions idéales et exceptionnelles relève presque du pléonasme, tant elles auraient pu être radicalement différentes à cette époque de l'année, les conditions météo que nous connaissons cette semaine dans l'Ouest et le Nord de la France étant définitivement plus proches de ce que l'on trouve habituellement en cette saison que celles rencontrées il y a quelques jours au large de nos côtes.
Aussi, les conditions météorologiques ce jour là étaient sans doute un peu trop favorables pour être parfaitement illustratives d'une situation "réelle" et la manœuvre aurait été sûrement bien plus complexe avec une bonne tempête d'équinoxe. En cas de gros temps, et donc de contraintes bien plus fortes sur la remorque et le dispositif d'attache, le remorquage serait-il toujours possible ? De même, le test a été réalisé avec un navire au départ d'Europe, c'est-à-dire loin de sa capacité maximale (les porte-conteneurs arrivent pleins d'Asie mais repartent avec environ 30% de boites en moins ou vides), ne permet pas non plus de valider la faisabilité et le caractère reproductible de l'opération.
2013MBST059 002 005 S DESCHAMPS MARINE NATIONALEDes questions demeurent donc, d'autant qu'il faut se rappeller qu'en 2007, l'Abeille Bourbon et l'Abeille Liberté n'avaient pas été de trop pour prendre en charge le MSC Napoli (ex-CGM Normandie), dont le gabarit (275 mètres de long, 2700 conteneurs) était bien inférieur à celui du Marco Polo.
Il faut également ajouter à celà l'hypothèse de l'avarie choisie. Il va de soi que l'on ne va pas mettre en difficulté un navire, uniquement pour le plaisir sadique et intellectuel de savoir si le remorqueur va bien réussir sa mission, mais l'avarie de propulsion est finalement le cas le moins problématique parmi ceux auxquels pourraient être confrontés les autorités avec ce type de navire. Si elles demeure plausible, les derniers exemples de sinistres importants impliquant des navires de ce type (MSC NAPOLI ou MSC FLAMINIA) ont montré que les circonstances météorologiques ou l'état du navire pouvaient faire échec aux tentatives de remorquage ou rendre celles-ci particulièrement délicates. S'agissant du MSC NAPOLI, qui souffrait de fissures pouvant à tout moment entrâiner la déchirure du navire, le remorquage avait été abrégé et le navire échoué volontairement dans une baie britannique peu profonde. Quant au MSC FLAMINIA, qui avait été partiellement détruit par un incendie et avait rencontré des conditions météorologiques très difficiles, n'avait plus de propulsion ; il demeure quant à lui l'illustration du fiasco total de la réglementation dite des "ports refuges"
C'est pourquoi l'analyse des résultats de l'exercice du 9 mars sera forcément regardée à la loupe et conduira à l'amélioration des procédures en vigueur, à mieux jauger l'efficacité du matériel en fonction des différents scénarios et, en cas de besoin, renforcer les moyens de sauvetage en Bretagne et éventuellement dans le golfe de Gascogne, où l'on ne trouve plus de remorqueur de haute mer depuis le départ de l'Abeille Languedoc pour le détroit du Pas-de-Calais, en 2011.
Comme le souligne "Mer et Marine", la France a été pionnière et consent d'importants efforts en disposant du plus important dispositif européen. Mais ces moyens, issus d'un inévitable et plus ou moins satisfaisant compromis entre les risques et les marges de manœuvre financières de l'Etat, demeurent limités face à certains scénarios catastrophes. Ils doivent, en outre, être régulièrement adaptés à l'évolution de la « menace », comme c'est par exemple le cas avec l'augmentation de la taille des navires dans le transport maritime et la croisière. Alors que certains pays, pour cause de restrictions budgétaires, revoient à la baisse leurs moyens affectés au sauvetage, l'idée fait son chemin d'élargir cette question non seulement aux autorités nationales, mais également à l'Europe. Celle-ci, au travers de l'Agence de sécurité maritime (EMSA), créée en 2006 suite aux naufrages de l'Erika (1999) et du Prestige (2002), a déjà mis en place plusieurs actions, dont la constitution d'une flotte de navires dépollueurs. Mais l'assistance et le remorquage demeurent des questions gérées nationalement. Or, comme le rappellent régulièrement -et à juste titre- les autorités françaises, l'essentiel des navires transitant devant la Bretagne et en Manche n'ont pas pour destination ou provenance l'Hexagone. C'est pourtant la France qui assure seule, ou presque, la sécurité de ce trafic, dont les retombées économiques bénéficient à des ports étrangers, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique ou en Allemagne...
Dont acte. La suite au prochain exercice, dans des conditions météorologiques plus difficiles (sans appareil à gouverner....) et surtout, au prochain navire en détresse qu'il s'agira d'aller chercher, de remorquer, et d'amener dans un port refuge ; un "ambitieux programme" comme pourrait le dire nos hommes et femmes politiques.

 

 © Marine Nationale

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