Décidément, nos hommes et femmes politiques ont une facheuse tendance à parler de choses qu'ils ne maîtrisent pas ou peu, offrant ainsi au grand public des affirmations à "l'emporte pièce" dignes d'un dimanche midi au "Café du Commerce" mais qui consternent la majorité des personnes ayant un minimum de connaissance technique du domaine.
La raison de notre courroux, peu commun, est la dernière sortie du Président du Conseil Régional de Bretagne suite à l'échouement (et non l'échouage comme on peut le lire dans de nombreux journaux) du TK BREMEN près d'Etel dans la nuit du 15 au 16 décembre 2011.
Dès le lendemain, dans le télégramme de Brest, Monsieur le Drian fustige le fait, qu'une fois de plus, la Bretagne paye un lourd tribut. "la Bretagne paye l'insouciance et l'irresponsabilité. J'ai un sentiment de colère renouvelé. On a eu un cumul d'expériences qui devrait permettre une prise de conscience plus grande des décideurs de la chose maritime. Je me réjouis qu'une enquête judiciaire ait été ouverte tout de suite. Il est clair qu'il y a des responsabilités à établir très rapidement. Il y avait un avis de gros temps quand le bateau a quitté le port. La commission d'enquête de l'Erika, dont j'étais le rapporteur, avait préconisé une mesure donnant aux autorités portuaires la possibilité d'interdire aux bateaux de sortir. La mesure figurait dans la première mouture des directives européennes qu'on a appelées "Paquet Erika". Mais la prescription avait finalement été transformée en simple préconisation. Et ça, ce n'est pas bien. Lundi après-midi, une Conférence régionale de la mer et du littoral est prévue à Rennes. Je la co-préside avec le préfet de région. Bien sûr, le sujet sera à l'ordre du jour".
La région de Bretagne a annoncé, dimanche 18 décembre, qu'elle porterait plainte en se constituant partie civile. "C'est parce qu'elle est très attachée à la protection de son littoral et à la préservation de ses espaces naturels, trop souvent souillés par des pollutions volontaires, que la Région Bretagne a décidé de déposer plaintee", a expliqué le président du conseil régional, Jean-Yves Le Drian (PS).
Cette plainte, destinée notamment à "connaître les conditions dans lesquelles ce naufrage s'est produit", sera formellement déposée lundi. Elle vise également à faire prendre en compte le "préjudice écologique" et l'"atteinte au patrimoine naturel" de la région, et à "faire savoir que la Bretagne ne laissera plus rien passer concernant la pollution maritime", selon un communiqué.
Quant à l'association Robin des Bois, elle dénonce le laxisme des autorités portuaires. "En s'appuyant sur l'article R304-11 du Code des ports maritimes, la capitainerie du port de Lorient -Morbihan- aurait pu procéder à l'ajournement de départ du TK Bremen", assure l'ONG environnementale. Le navire vieux de 30 ans avait atteint l'âge de la démolition, et "présentait", selon Robin des bois "dans son récent cursus" des "déficiences nombreuses". La vraquier aurait "été récemment détenu dans un port russe et son armateur turc, propriétaire de deux navires anciens", et "ne fournissait pas d'emblée toutes les garanties de fiabilité". Pourquoi le port de Lorient n'a pas recouru au Code des ports maritimes, s'interroge l'association? "Par imprévoyance ou réticence à ne pas dégrader auprès des armateurs une image bien établie de port libéral où les réglementations sont observées à minima", fustige Robin des Bois.
Enfin, et pour courronner le tout, nous avons les brillantes sorties de Mesdames Nathalie Kosciusko-Morizet et Eva Joly qui illustrent leurs connaissances en la matière."que faisait ce cargo au large de l'île de Groix en pleine tempête" ? » ou encore "A qui appartient la cargaison transportée sous pavillon de complaisance ?".
Bref, une fois de plus, nous avons à faire avec un armateur véreux, un capitaine aux compétences douteuses, un équipage incompétent, et un navire qui ne demande qu'à sombrer dès qu'il sort d'un port, tant son état est dégradé avec en bonus, des autorités portuaires qui n'appliqueraient pas les règlementations applicables ; Un véritable scandale comparable à celui de l'Erika, ce qui constitue déjà en soi une totale méconnaissance du sujet, la pollution de l'Erika ayant généré un déversement d'environ 20 000 tonnes de fuel lourd, celle du TK Bremen ne pouvant, au pire du pire (déversement total de ses soutes), ne n'entraîner "qu'un" déversement de 190 tonnes (total des capacités du navire).
Fort heureusement, plusieurs voix se sont immédiatement élévées dans le monde maritime pour pointer du doigt une absurdité maritime, qui nie à la fois les réalités maritimes et les réalités juridiques de ce type d'accident.
La première question qui s'est posée, s'agissant des réalités nautiques, a été de savoir s'il était logique et normal pour un navire de quitter un port quand la mer est déchaînée et que les prévisions météo sont particulièrement pessimistes pour les heures à venir ?
Oui répondent les experts dont Jacques Loizeau, expert maritime et ancien commandant de la marine marchande. La décision de prendre la mer, dans n'importe quelles conditions, reste du ressort du commandant. Logiquement, il connaît bien son bateau et est à même de juger du danger. Rester à quai, ce n'est pas forcément la situation la plus sûre. Si le bateau est mal orienté par rapport au vent, les dégâts peuvent être importants, pour le bateau et pour le quai. Souvent, il est préférable, quand, le bateau dépasse les 100m de long, de se mettre à l'abri en mer, à la cape. Ce que font beaucoup de cargos aux Antilles, quand il y a de forts coups de vent. En quelques heures, les ports se vident".
La décision prise par le capitaine du TK Bremen est donc, nautiquement parlant, tout à fait valable et cohérente. Il ne faut pas confondre "faute nautique" avec une décision, tout à fait logique et cohérente, qui s'avère pourtant, ce jour là, et en raison de circonstances particulières, être finalement un mauvais choix.
Même son de cloche chez François-Xavier Pizon, vice-président de l'Association française des capitaines de navire (Afcan). "Il voulait se mettre à l'abri, cette décision semble logique", "La question est de savoir pourquoi il n'a pas tenu son mouillage et a dérivé. Quand un bateau est vide, la manoeuvre est effectivement plus compliquée." Le capitaine turc a-t-il dû faire face à une avarie? "Ces bateaux sont classifiés pour affronter des tempêtes en haute mer et Joachim n'était pas du niveau de Xynthia".
Même réponse chez les pilotes : « Il y avait 20 noeuds de vent (37 km/h), un peu de houle :" je n'ai eu aucun problème pour sortir le TK-Bremen de la rade de Lorient », se souvient Yves Lanier. Pilote au port de commerce, il a manoeuvré le cargo, jeudi matin, sur ordre de la capitainerie et demande du commandant du navire. « Je l'ai emmené au meilleur mouillage, à l'abri de l'île de Groix. »
Vers une heure du matin, quand Joachim a frappé, l'ancre du vraquier a ripé, peut-être parce que la chaîne n'était pas assez longue. « Lège », devenu incontrôlable, il s'est échoué sur une plage d'Erdeven. « Deux marins, les plus vieux de l'équipage (seize Turcs et trois Azéris), sont restés six heures à l'avant du bateau à la dérive sous des rafales de 140 km/h, raconte Emmanuelle Trocadéro, de Marin'Accueil. Ce fut long, violent. Ils se sont vu mourir »...
Voila pour ce qu'il en est des réalités nautiques glanées sur Internet qui seront sans aucun doute confirmées par les différentes enquêtes en cours.
Conclusion (provisoire bien évidemment) : Il est totalement prématuré et malhonnête intellectuellement, de prétendre que le fait de sortir le TK BREMEN était une faute. S'il en fallait un indice supplémentaire, le capitaine du TK BREMEN, entendu comme témoin assisté le 21 décembre 2011 par le Parquet de Brest, n'a pas été mis en examen. Lors de sa conférence de presse, le procureur a précisé que le capitaine, brièvement mis en garde à vue, se verrait notifier le statut de témoin assisté, manière de montrer également que rien ne peut, en l'état, lui être véritablement reproché.
Quant aux réalités juridiques, il faut également remettre les choses au point et remettre également "les points sur les i et les barres sur les t"
Pour le Président du Conseil Régional de Bretagne, Robin des Bois, Eva Joly, etc... les autorités portuaires auraient légalement pu empêcher le départ du navire, Ces mêmes autorités estimant de leur côté qu'elles n'avaient pas la compétence pour bloquer le départ du bateau.
Si les préfectures terrestres recommandaient toutes de ne pas prendre la mer, en droit maritime, le commandant reste à ce jour seul maître à bord et ne peut être empêché d'appareiller si son navire est en bon état et ne fait pas l'objet d'une saisie.
Quant à la Préfecture Maritime, son porte parole, Marc Gander, interrogé sur le fait que ce navire ait appareillé de Lorient hier après-midi, à quelques heures de l'arrivée de la tempête Joachim sur les côtes françaises, il a souligné que "la mer est le dernier domaine de liberté. Rien n'empêche le commandant de sortir : il est de la responsabilité d'un commandant de navire de savoir s'il appareille ou non. La justice déterminera s'il a enfreint des règlements maritimes".
Rappelons tout d'abord qu'en Droit Français (même si dans notre cas, le Droit Maltais a vocation à s'appliquer), un navire peut se définir un engin flottant, apte à affronter les périls de la mer. Administrativement, cette aptitude va se caractériser par l'obtention et la détention à bord du navire de documents attestant effectivement que le navire est apte à affronter ces périls. Parmi ces documents, figureront notamment les documents émis par la société de classification, les certificats d'assurance du P&I, les documents liés à la nationalité du navire (pavillon), à son immatriculation, à sa propriété, etc......
Un navire qui dispose de l'ensemble de ces documents est donc présumé administrativement être navigable et apte à faire face à une expédition maritime.
En l'état des informations disponibles, rien ne permet d'affirmer que le navire ne disposait pas de l'ensemble des documents dont la présence est désormais obligatoire à bord d'un navire. Il est à noter à ce sujet que le navire a fait l'objet, entre 1999 et 2011, de 31 inspections au titre du Black Sea MOU et du Paris MOU. Une seule de ces visites a entraîné une détention d'une journée en Russie en 2006. (Copie Ecran). Les affirmations de ROBIN DES BOIS sur l'état du navire nous semblent exagérées, le target factor du navire (48) n'étant du qu'en grande partie à son âge (40) et non aux déficiences constatées. Une simple comparaison avec des navires, même très récents, aurait de fortes probabilités d'aboutir à des résultats relativement similaires.
Il faut également souligner que Le TK Bremen, bien qu'exploité aux conditions actuellement en vigueur dans le monde maritime (démembrement de la propriété et de l'exploitation), appartient à un groupe (Kiran Shipping) qui ne se cache pas comme pouvait le faire le propriétaire de l'ERIKA. Ici, nous avons à faire à un armement qui se revendique comme tel et opère une flotte d'une vingtaine de navires dont les cinq plus récents ont moins de deux ans. Difficile donc de dire qu'il s'agit d'un armateur véreux n'ayant que la finance en ligne de mire et exploitant une flotte de navires "poubelles". Le raccourci est un peu (trop) rapide. Les conclusions de "Robin des Bois" nous apparaissent biaisées et excessivement focalisées sur l'âge d'une partie de la flotte et les déficiences constatées sur le navire, oubliant que de très nombreux navires sont contrôlés "positifs" avec des déficiences souvent mineures, et oubliant aussi que la flotte de l'armateur a une moyenne d'âge de 17 ans, ce qui n'est pas "hors normes".
En résumé, le TK BREMEN est, sauf découvertes ultérieures, un navire "normal", comme il en existe des milliers d'autres et avait donc parfaitement le droit de naviguer et de prendre la mer.
Partant de là, reste à déterminer si les autorités du port de Lorient pouvaient exiger qu'il reste à quai et différer sa sortie. Les règles évoquées par Monsieur Le Drian et Robin des Bois sont issues de la directive 2002/59/CE du 27 juin 2002, dit "paquet Erika II". Cette directive prévoit dans son article 18 des mesures en cas de conditions météorologiques exceptionnellement défavorables.
L'article précise ainsi que "1. Si les autorités compétentes désignées par les États membres estiment, lorsque les conditions météorologiques ou l'état de la mer sont exceptionnellement défavorables, qu'il existe un risque grave de pollution de leurs zones maritimes ou côtières ou des zones maritimes ou côtières d'autres États ou que la vie humaine est menacée:
a) elles devraient fournir, lorsque cela est possible, au capitaine d'un navire qui se trouve dans la zone portuaire concernée et souhaite pénétrer dans ce port ou en sortir toutes les informations sur les conditions météo-océaniques et, le cas échéant et lorsque cela est possible, sur le risque que celles-ci peuvent présenter pour son navire ainsi que pour la cargaison, l'équipage et les passagers de celui-ci;
b) elles peuvent prendre, sans préjudice du devoir d'assistance aux navires en détresse, et conformément à l'article 20, toutes les autres mesures appropriées, qui peuvent inclure une recommandation ou une interdiction, visant soit un navire particulier soit les navires en général, d'entrer dans le port ou d'en sortir dans les zones touchées, jusqu'à ce qu'il ait été établi qu'il n'existe plus de risque pour la vie humaine et/ou l'environnement;
c) elles prennent des mesures appropriées pour limiter autant que possible ou, au besoin, interdire le ravitaillement en combustible des bateaux dans leurs eaux territoriales.
2. Le capitaine informe la compagnie des mesures appropriées ou recommandations visées au paragraphe 1. Celles-ci ne préjugent cependant pas de la décision du capitaine prise sur la base de son appréciation de professionnel conformément à la convention SOLAS. Lorsque la décision prise par le capitaine du navire n'est pas conforme aux mesures visées au paragraphe 1, il informe les autorités compétentes des raisons de sa décision.
3. Les mesures appropriées ou recommandations, visées au paragraphe 1, sont fondées sur des prévisions concernant l'état de la mer et les conditions météorologiques fournies par un service d'information météorologique qualifié, reconnu par l'État membre."
Cette rédaction est l'aboutissement de longues négociations entre Etats, avec la Commission, le Parlement Européen et le Conseil.
Dans une communication de la Commission au Conseil et au parlement européen sur l'avancement du paquet Erika II, examinée le 19 juillet 2001 , on peut lire que le projet de Directive a été amendé par le Parlement européen, notamment sur le remplacement de l'obligation faite aux autorités portuaires de suspendre l'appareillage d'un navire en cas de conditions météorologiques particulièrement mauvaises par l'obligation d'« aviser » le capitaine du navire ;
Quand au Conseil, "sur l'interdiction d'appareillage des navires en cas de gros temps, plusieurs Etats membres craignaient que la responsabilité des Etats ne soit démesurément engagée en cas d'accident maritime. Le texte a donc retenu deux possibilités en cas de mauvaises conditions météorologiques :
- Lorsqu'un navire risque de menacer la sécurité de vies humaines en mer ou de polluer, les autorités portuaires peuvent prendre des mesures appropriées incluant l'interdiction d'appareiller ;
- Lorsqu'un navire peut créer une menace, l'Etat peut recommander aux navires de ne pas quitter le port. Il est précisé que si le navire quitte néanmoins le port, c'est sous la seule responsabilité de son capitaine.
Cette directive a été transposée en Droit Français, notamment avec le Décret n° 2009-876 du 17 juillet 2009 relatif à la police des ports maritimes et portant diverses dispositions en matière portuaire avec notamment l'article R 304-11 du Code des Ports Maritimes, issu directement de l'article 18 de la directive précitée.
Cet article du Code des Port dispose que "(I) Les officiers de port, officiers de port adjoints, surveillants de port et auxiliaires de surveillance avisent par les voies les plus rapides l'autorité maritime chargée du contrôle ou de la sécurité des navires de tout fait dont ils ont connaissance, dans l'exercice de leurs fonctions, donnant à penser qu'un navire, bateau ou engin flottant ne peut prendre la mer sans danger pour lui-même, l'équipage, les passagers, la sécurité de la navigation, la santé ou l'environnement.
Les officiers de port, officiers de port adjoints et surveillants de port peuvent interdire le départ du navire, jusqu'à ce que l'autorité maritime ait déclaré le navire, bateau ou engin flottant en état de prendre la mer.
(II) A la demande dûment notifiée de l'autorité maritime chargée du contrôle ou de la sécurité des navires qui a constaté des anomalies présentant un risque manifeste pour l'équipage, les passagers, la sécurité de la navigation, la santé ou l'environnement, les officiers de port, officiers de port adjoints et surveillants de port prennent les mesures nécessaires pour empêcher le départ du navire en cause et, le cas échéant, arrêtent l'opération portuaire en cours."
A la lecture de cet article, il est effectivement permis à l'autorité du port de refuser le départ du navire quand elle a connaissance de "de tout fait dont ils ont connaissance, dans l'exercice de leurs fonctions, donnant à penser qu'un navire, bateau ou engin flottant ne peut prendre la mer sans danger pour lui-même, l'équipage, les passagers, la sécurité de la navigation, la santé ou l'environnement."
Pour appliquer cet article, il faut donc que les autorités aient connaissance de faits qui ne permettraient plus au navire de naviguer ou d'affronter une expédition maritime sans se mettre, lui, les autres, ou l'environnement, en danger.
Hormis l'absence des documents obligatoires requis par l'autorité portuaire et devant être présentés à chaque escale, une inspection négative du PSC immobilisant le navire pour défauts technique ou documentaires, ou encore un fait flagrant dénoncé par l'agent maritime, les manutentionnaires, les avitailleurs, le pilote, ou les remorqueurs (comme un trou dans la coque, une défaillance visible comme une ligne d'arbre hors service, etc...) dans le laps de temps ou ces auxiliaires du transport maritime interviennent et qui demeure relativement court, il nous semble difficile pour une autorité portuaire de faire stopper l'appareillage du navire, surtout dans le cas d'un navire qui n'a visiblement présenté aucune défaillance ou signe annonciateur d'une impossibilité à faire face à la forte tempête (rare mais pas exceptionnelle dans la région et en cette saison) qui soufflait au large de Lorient, avec des vents moyens à force 8/9 sur l'échelle de Beaufort avec des pointes à force 11/12 dans la nuit.
Pour notre part, nous pensons que la capitainerie ou plus largement les autorités portuaires n'avaient pas la possibilité d'empêcher le navire de quitter le port, sauf à se mettre elles-mêmes en situation de responsabilité vis à vis du navire ou des dommages qu'il aurait pu causer du fait de son obligation de rester à quai. En effet, si un navire en difficulté peut s'en sortir en mer, il en est tout autrement dans les espaces confinés d'un port ou, une fois les amarres rompues, le navire, généralement sans propulsion et sans vitesse, peut, au gré du vent, se fracasser contre un autre quai, un autre navire, un pont, une écluse, etc..et pouvant ainsi causer de très importants dégâts à lui-même et aux infrastructures du port, et causer également la tant redoutée pollution marine. Les remorqueurs peuvent certes aider à maintenir un navire sur son poste en le poussant mais il est rare qu'ils puissent maintenir tous les navires stationnés à quai dans un port, au même moment et à différents endroits......
Dans un tel cas, le jeu des responsabilités s'en trouverait considérablement troublé. En effet, et comme il l'a déjà été mentionné, le capitaine est libre de partir et d'engager l'expédition maritime. A lui seul donc d'assumer les conséquences de sa décision, bonne ou mauvaise.
C'est ce qu'il se produira dans le cas du TK BREMEN. Le capitaine devra assumer sa décision, les assureurs corps et machines devront rembourser l'armateur pour la perte du navire (entre 1.5 et 2.5 millions de dollars dans notre cas), et le P&I Skuld devra assumer le coût de la dépollution et du retirement du navire de la plage.
Dans le cas d'un navire bloqué par les autorités, le schéma pourrait être tout autre et ce pourrait être les autorités qui se trouveraient mises en cause pour avoir bloqué un navire à quai, la pratique nautique en la matière préconisant plutôt, pour les navires d'une certaine taille, d'aller trouver refuge au mouillage, loin de la terre.
On imagine dès lors les procédures récursoires qui seraient intentées par les assureurs du navire contre l'Etat afin de se faire rembourser des frais occasionnés et/ou garantir l'armateur et ses assureurs des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre en réparation des dommages causés aux tiers.
Par ailleurs, dans une Interview à France 3, le Préfet maritime de l'Atlantique, Anne-François de Saint Salvy, et l'Avocat Michel Quimbert, ont tous deux pointés du doigt, avec les formes qu'il sied notamment pour un militaire de haut rang, les difficultés, pour ne pas dire l'impossibilité ou le coté complètement contre productif qu'il y aurait à faire peser sur un tiers, le commandant du port, la responsabilité de laisser partir ou de bloquer un navire à quai.
En effet, confier à "la terre" le sort de "la mer" peut s'avérer dangereux. Bien que marins eux-mêmes, les officiers de port seront inévitablement tentés de jouer le "tout sécuritaire" et de bloquer, au moindre doute, le navire dans le port dont ils ont la charge. Cette crainte est d'autant plus prégnante que de nombreux ports français dépendent maintenant des collectivités locales et principalement de Conseils Régionaux. Lorsque l'on voit la réaction de Mr Le Drian, il est difficile d'imaginer que le Commandant de Port, même s'il ne dépend pas hiérarchiquement et directement de la collectivité, prendre le risque de laisser partir un navire dès que le vent soufflera un peu fort. Le parapluie du principe de précaution sera ouvert sans discernement.
On peut dès lors imaginer la désorganisation du transport maritime qui pourrait s'en suivre et les incidences sur les chaînes logistiques, avec l'arrêt d'un porte-conteneurs de 16 000 "boites" dont certaines des marchandises sont attendues pour faire tourner les usines. On peut également imaginer un engorgement des ports avec des navires à quai qui ne partent pas et des navires en attente de déchargement, avec les risques accrus d'incident lors des manœuvres de croisement des navires dans les espaces restreints des ports.
Comme d'habitude, les annonces "à l'emporte pièce" faites immédiatement après un tel évènement, par réaction, calcul, ou opportunisme, ne résistent que rarement à une étude plus approfondie.
En conclusion, cette annonce nous semble complètement farfelue : Empêcher d'appareiller le TK BREMEN : Effectivement quelle drôle d'idée !
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