Il y a quelques Jours, Allianz Global Corporate & Speciality a publié son troisième rapport consacré aux risques maritimes. Troisième de la série après un premier numéro paru en 2012 quelques mois après le naufrage du Costa Concordia et Intitulé "Safety and Shipping 1912-2012: From Titanic to Costa Concordia", l'édition 2014 livre l'analyse de la compagnie d'assurances sur les pertes totales enregistrées durant l'année et les risques significatifs ou émergents.
2013 se place ainsi sous le signe d'une nouvelle diminution des pertes totales avec une baisse de de de 20 % par rapport à 2012, se situant à 94 pertes totales contre 117, 2013 étant la deuxième année ou les pertes se situent en dessous de la centaine. Depuis 2003, les pertes totales sont en baisse de 45 %.
Selon le rapport, plus d'un tiers des pertes totales de 2013 ont été concentrées dans deux régions maritimes. Comme en 2012, les régions du sud de la Chine, de l'Indonésie et des Philippines ont vu le plus grand nombre de pertes (18 navires), suivie de près par les mers autour du Japon, de la Corée du Nord et la Chine (17 navires).
Plus de deux ans après la catastrophe du Costa Concordia, l'amélioration de la sécurité des navires à passagers continue d'être une priorité, mais l'année 2014 est susceptible de voir le 100 ième navire à passagers se perdre depuis 2002. L'Asie demeure un point chaud pour les pertes de navires de passagers, en particulier pour les petits navires à passagers et les traversiers comme en témoigne le naufrage du traversier Saint- Thomas d'Aquin à la suite d'un abordage avec un autre navire au large de Cebu aux Philippines en Août 2013, avec la perte d'au moins 116 vies.
Plus d'un tiers des navires perdus étaient des navires de charge, de pêche, ou de vraquiers (seul autre type de navires à enregistrer des pertes à deux chiffres). La perte totale de deux vraquiers dans les eaux asiatiques en 2013, Harita Bauxite et Trans Summer, a par ailleurs souligné l'importance de la manutention adéquate et l'arrimage des cargaisons en vrac (mais ce n'est pas vraiment nouveau....)
En 2013, dans 75 % des cas, la cause de la perte est le naufrage du navire dans la tempête (cela peut paraître banal mais nombre de pertes totales peuvent être dues à des casses machines, des abordages, des heurts dans les ports, etc...) ; Cette part est en augmentation significative par rapport à 2012 (47 %) et à la moyenne des dix dernières années (44 %).
Pour la première fois, le rapport de ALLIANZ inclue non seulement les pertes totales, mais aussi le nombre total de sinistres par région. La région Est de la Méditerranée et de la mer Noire se révèle être l'endroit le plus sinistré, avec 464 accidents (18%) sur un total mondial de 2596 au cours de 2013, y compris celui impliquant le plus vieux navire du monde en perte totale (Le cargo Hantallar, vieux de 108 ans au moment de son échouement en Turquie et à qui nous avons consacré un article). Cette région combine des routes maritimes très fréquentées et une réputation en matière de gestion de la sécurité plus faible, réputation qui tient à une flotte régionale ayant une proportion plus élevée de vieux navires et de moindre qualité.
Le rapport montre également qu'au cours de la dernière décennie, les îles britanniques ont été l'endroit le plus "sinistrogène", tandis que Janvier est le mois le plus défavorable pour tous les sinistres (y compris les pertes totales) dans l'hémisphère Nord. Dans l'hémisphère Sud, sans réelle surprise, le mois le pire est Juillet.
Le rapport pointe également plusieurs risques émergents qui semblent déjà inquiéter les assureurs.
A la base, il y a le climat général économique qui conduit à des conditions d'exploitation de plus en plus difficiles pour les exploitants de navires. Celà les a forcé à un certain nombre d'innovations, comme l'agrandissement continuel de la taille des tailles de navires, permettant ainsi des substantielles économiques, l'utilisation de carburants alternatifs et des changements dans la conception des navires. Dans le même temps, de nouvelles routes commerciales plus économiques et rapides apparaissent dans les régions arctiques pendant les mois d'été, mais ces routes présentent en elles mêmes leur lot de défis à relever. .
S'agissant de la taille du navire, l'année passée à marqué l'arrivée du plus grand navire porte-conteneurs sur le disque, plus de 400 mètres de long et offrant une capacité de plus de 18 000 EVP. Cette tendance devrait se poursuivre, ALLIANZ estimant que la capacité augmentera de près de 30 % tous les quatre à cinq ans, ce qui pourrait signifier l'arrivée de navires de 24 000 evp à l'horizon 2018 ! Et l'on sait déjà que les réclamations découlant de situations d'urgence maritimes impliquant ces« méga navires »peuvent être énormes. Par exemple, il suffit de penser au naufrage (ou au mieux à l'échouement) d'un navire devant un port ou un terminal et empêchant la poursuite de l'activité de ce port ou de ce terminal ! Et ceci sans parler du sauvetage qui pourrait nécessiter des efforts sans précédent et des opérations complexes - dans certains cas, cela pourrait prendre plusieurs mois, voire un an ou plus, pour supprimer tous les débris, conteneurs, etc... et en particulier si l'accident devait se produire dans un endroit éloigné (voir le cas du RENA qui est déjà un exemple de sinistre majeur dans une zone assez hostile).
Autre sujet d'inquiétude, l'alimentation en LNG des navires: L'utilisation du gaz naturel liquéfié pour alimenter les navires devrait augmenter considérablement d'ici à 2020. De nombreux problèmes se présenteront comme l'installation de stations de ravitaillement en LNG dans des ports qui n'ont jamais traité de GNL. Stocker et avitailler un navire en GNL impliquera de nouvelles pratiques et l'acquisition de formations qui ne sont pas encore courantes, et avec des exigences en matière de sécurité qui vont bien au delà de ce que l'on connait actuelement avec les avitaillements en hydrocarbures.
Enfin, dernier sujet d'inquiétude, l'arrivée de nouvelles routes maritimes comme celles de l'Arctique ; Les accidents maritimes dans les eaux du cercle arctique ont augmenté à une moyenne de 45 % par an entre 2009 à 2013 (à comparer aux 7 % d'augmentation pendant la période 2002-2007). Les dommages aux machines ont provoqué un tiers de ces incidents (supérieur à la moyenne générale), reflétant un environnement d'exploitation plus sévère.
Le rapport 2014 dans son intégralité peut être consulté ici. Le rapport 2013 est ici et le premier, le Safety and Shipping 1912-2012: From Titanic to Costa Concordia est ici.
Triste record que celui qui vient d'être battu par les autorités nippones et coréennes dans le différend qui les oppose au sujet du chimiquier Maritime Maisie. Voici en effet plus de 100 jours que le chimiquier erre entre les eaux japonaises et coréennes, chacune se renvoyant la balle et refusant d'accueillir le navire sévèrement endommagé par un incendie à la suite de son abordage le 29 décembre dernier par le transporteur de voitures Gravity Highway.
Malgré les demandes répétées de l'armateur, d'organisations professionnelles comme l'Asian Shipowner forum, du Lloyd's Register's Ship Emergency Response Service (SERS) qui a émis il y a déjà deux mois un rapport très inquiétant sur la capacité de la structure à résister, rien n'a bougé.
Mais malgré ces demandes, rapports, alertes, menaces, rien ne se passe. Et pour une raison finalement très simple et bien connue. Personne ne veut du navire, de peur qu'il ne se brise près des côtes et repoussant le principe du "port refuge" d'un oui mais pas chez moi". Cette affaire actuelle montre que les récentes leçons n'ont tout simplement pas été tirées et à force d'attendre, le navire finira bien par se briser, chacun des états pouvant alors se renvoyer la responsabilité du fiasco et surtout incriminer l'armateur et ses assureurs qui doivent se sentir bien seuls face à ce déni d'assistance en mer.
Que se passera t'il lorsque l'on parlera d'un porte-conteneurs en feu de plus de 18 000 boîtes dont le naufrage dans zones à haute densité de fréquentation, avec le risque de voir près de 18 000 obstacles à la navigation se présenter devant les proues de navires, petits ou grands.....
Voir notre précédent article sur le sujet
Par Décret 2014-348 du 18 mars 2014 paru au Journal officiel du 20 mars 2014, le gouvernement a publié un décret d'application du protocole de 1992 modifiant la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Ce nouveau texte a pour objet de définir la procédure de constitution et de répartition du fonds de limitation de responsabilité constitué par le propriétaire du navire en cas de marée noire.
Ce texte est un "vade mecum" pour ceux qui voudraient constituer le fonds. Objectivement, ce texte n'est pas de trop et pour en avoir souvent parlé à certains avocats en charge de ces dossiers, le fait de déterminer clairement le mode opératoire de constitution du fonds permettra de sécuriser la procédure, et principalement les armateurs.
On notera quand même deux petites choses
- Une approximation (coupable) dans les références. En effet, le Décret renvoie à la "conventions internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, publiée par le décret n° 96-718 du 7 août 1996 et à la Convention internationale de 1992 portant création d'un Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, publiée par le décret n° 96-719 du 7 août 1996 ;
C'est sans doute jouer sur les mots mais il n'y a pas eu de convention en 1992 mais un "simple" protocole additionnel, les conventions d'origine datant respectivement de 1969 et 1971. Ce raccourci du législateur fait un peu amateur mais bon. Celà n'aurait rien coûté d'être plus précis sur le texte sur lequel on s'appuie.
Autre remarque, plus sur le fond. Autant la procédure de répartition du fonds lorsque les sommes réclamées sont inférieures au montant du fonds constitué est claire, autant celle lorsque le fonds est insuffisant est un peu nébuleuse et nous paraît source de discussions, ce que justement le Décret a pour but d'éviter. Certes, les conventions visées prévoient bien qu'en cas d'insuffisance des fonds, les sommes disponibles seront réparties entre les créanciers mais le Décret ayant justement pour but de préciser les choses, il n'aurait pas été vain de le rappeler.
Le rapport 2014 d'Allianz Global Corporate & Speciality consacré au monde maritime et intitulé "Safety and Shipping Review 2014" nous apprend que l'obsolescence programmée (parfois aussi appelée "désuétude planifiée") ne devait pas exister lorsque le Cleopatra (Hantallar) a été construit en 1906.
En effet, ce navire vient juste de terminer sa carrière sur les côtes turques de Tekirdag ou il s'était échoué en septembre 2013.
Sans cet incident, il aurait sans doute pu encore continuer sa carrière quelques années, même s'il est assez probable qu'il ne répondait plus réellement aux "standards" actuels en matière de sécurité maritime.
L'histoire de ce navire n'est pas simple à retrouver et Il est difficile de trouver des informations sur sa longue carrière de 108 ans (!)
Tout juste sait-on qu'il fut construit à Hull, en Grande-Bretagne par les chantiers "EARLE'S SHIPBUILDING", sous le numéro 503. D'une jauge brute de 555 tonneaux, long de 57 mètres et large de 7, il fut baptisé Cleopatra à son lancement. Il pris le nom de Cleopatra III en 1915 avant de retrouver son nom d'origine en 1919. Il change à nouveau de nom en 1935 et devient le Kylias jusu'en 1968 ou il prend le nom de Sadik Kaptan avant de devenir l'Hantallar en 1991, nom qu'il gardera jusqu'à son démentèlement en 2013 à l'endroit de son échouement.
Difficile également de connaître ses différents propriétaires. Les informations sont très parcellaires et il est quasi impossible de trouver des informations véritablement fiables. Tout juste peut-on supposer qu'il a rejoint la Turquie en 1995 et qu'il est demeuré la propriété de de la société Dursun Hantal ve Ortaklari, domiciliée à Istambul. Une comparaison croisée entre les informations disponibles sur Equasis et Clarkson semblent en effet confirmer que Dursun Hantal était bien le propriétaire du navire (single ship company avec la même jauge gérée par la compagnie que celle du navire) au moment de son échouement.
Ce qui est certain, c'est que son coût de construction a du être plus qu'amorti durant ces longues années et que cette longévité contraste très sérieusement avec ce que l'on peut actuellement constater avec des navires "sortant" de flotte au bout de 10 ans et conduits en Inde ou au Pakistan pour y être démolis.
Loin d'une obsolescence programmée, ce navire prouve que certaines choses peuvent durer, pour tout et autant qu'elles soient bien construites, et qu'elle soient faites pour durer.....Il y a donc assez peu de chances que l'on puisse voir des CMA CGM MARCO POLO naviguer en 2120......tout comme nous d'ailleurs.....
L'annonce est venue de Rolls-Royce ; Il est donc difficile de ne pas la prendre avec sérieux. Après les voitures et les avions, voici désormais que les navires sans équipage et contrôlés à distance sont à l'étude. Ce projet, porté par Rolls-Royce, pourrait bien bouleverser l'industrie du transport maritime.
Aujourd'hui, les drones sont en passe de devenir les maitres des airs. Les voitures automatisées pourraient, elles, se répandre sur les routes. Pour la mer, le futur pourrait être le cargo télécommandé à distance.
Derrière ce projet, on retrouve le constructeur Rolls-Royce Holdings qui souhaite lancer sur les océans des bateaux contrôlés à distance par un capitaine (devra t'on alors l'appeler plutôt opérateur de NSE -Navire sans Equipage...!
Le développement de cette technologie a commencé il y a un an déjà et le constructeur semble avoir bien avancé depuis. L'objectif final est de faire naviguer des cargos sans que ceux-ci ne transportent le moindre personnel, seulement de la marchandise.
Il semble d'ailleurs que Rolls-Royce ne soit pas la seule entreprise à travailler sur le sujet. On trouve ainsi un autre programme dénommé MUNIN – Maritime Unmanned Navigation through Intelligence in Networks financé par la Commission Européenne et dont le but est identique. Preuve que le sujet intéresse.
Pour autant, et même si les recherches avancent, les navires sans équipage sont encore loin d'être prêts à lever l'ancre. Les obstacles devraient être à peu près aussi nombreux que ceux que rencontreront ceux et celles qui voudront faire voler des avions transportant des passagers ou du fret sans qu'il n'y ait de pilote à bord.
En effet, au delà des problèmes d'ordre technique, d'autres obstacles seront à franchir, et ils seront nombreux : problèmes de législation (faire naviguer un navire sans équipage est tout simplement illégal à ce jour), de prérogatives de l'Etat du pavillon, problèmes d'assurance (un navire sans équipage est à ce jour réputé être en état d'innavigabilité, et donc innasurable), de recherche et sauvetage (SAR), de responsabilité en cas de naufrage, d'abordage, etc....
Au final, les mêmes problèmes que connaissent les voitures automatiques. Cependant, il faudra également considérer une maintenance automatisée du bâtiment, des organes de propulsion et/ou de navigation redondants car il serait en effet bête de tomber en panne au milieu de l'océan.
Les présentations disponibles sont d'ailleurs très claires à ce sujet "It will take time before we see the first fully autonomous ship !"
Et que dire des problèmes liés à la sûreté du navire. Comment lutter contre la piraterie, le terrorisme, le pillage, les vol, le détournement informatique du navire etc...
En effet, si le navire est est contrôlable à distance, nul doute que quelqu'un tentera de pirater le système pour s'approprier la conduite du navire et sa cargaison, à des buts lucratifs....ou non.
Devra t'on alors envisager que le navire puisse "se défendre" seul face ce que ses algorithmes considèreraient comme une menace. Devra t'on envisager de faire survoler le navire en permanence par des drones qui iraient se "recharger" sur le navire et qui pourraient assurer sa protection ?
La liste des problèmes semble insurmontable pour encore de très nombreuses années mais, à n'en pas douter, les recherches vont se poursuivre car, du côté des armateurs, cette automatisation présenterait de sérieux avantages. Tout d'abord, s'il n'y a plus d'humains à bord, cela écarte tout risque concernant la sécurité de l'équipage (accidents, tempêtes, pirates...). Mais cet argument, avancé par Rolls-Royce n'est certainement pas la principale motivation des armateurs et des dévelopeurs de ce programme. Le nombre de marins prisonniers des pirates et/ou abandonnés par leur armateur estinfinitésimal (au regard du mombre total de marins dans le monde).
Il faut plutôt se tourner vers d'autres sources de dépenses. Avec ce système de navire "autonome", le navire se retrouverait plus léger (environ 5% de poids en moins) et cela permettrait une économie de fuel allant de 12 à 15 %. Enfin, et surtout, les armateurs n'auront plus à payer d'équipage... une économie pour eux d'environ 45 % sur le coût journalier d'exploitation d'un navire, même si cela signifie des centaines de milliers de suppressions d'emplois, le nombre de marins est estimé par l'ITF, opposée à ce projet, à environ un million dans le monde....
Le but ultime de Rolls-Royce est de fabriquer un "navire contrôlé à distance aussi sécurisé que les modèles actuels" . Mais l'entreprise pense que son cargo sera au final « encore plus sécurisé« . Ces navires sans équipage contrôlés par un capitaine installé sur la terre ferme et pourraient bien devenir un standard de demain. Rolls-Royce s'assure, en prenant les devants, une belle place sur le marché si de tels navires étaient un jour amenés à parcourir les mers.
Pour l'entreprise, les premiers navires concernés pourraient être les porte-conteneurs et les vraquiers ; Ils pourraient être déployés dans des eaux de la Baltique dans une dizaine d'années.
Pour notre part, nous sommes plus dubitatifs. Enlever systématiquement l'humain de toute industrie sous prétexte qu'elle serait "pénible" ou qu'elle coûte plus cher qu'un robot se heurte au bon sens. Que faire ensuite des humains ? Pour la version vaguement optimiste, je renvoie au dessin animé Wall-E et pour la version pessimiste à Terminator - Le soulèvement des machines....
En savoir plus
Chaque année qui passe apporte son lot de surprises dans cette affaire vieille de bientôt 12 ans. Nous en sommes à la cinquième décision de justice et rien n'indique que ce soit la dernière, tant celle rendue par la Cour d'Appel de Paris le 12 avril 2013 ne peut qu'entraîner un pourvoi en cassation de la part des assureurs concernés.
Après 12 ans de procédure, le propriétaire de la péniche LEYDEN doit être satisfait et se dire que tout vient à point à qui sait attendre et que la justice, aussi aveugle qu'elle puisse être, n'en sait pas moins être d'une étonnante générosité.
Rappelons (très) brièvement les faits. Le 22 octobre 2001, la péniche Leyden coule dans le port d'Ilon. Assurée en "corps et machines" auprès de la compagnie Groupama-Transport, son propriétaire se voit refuser la garantie des assureurs, notamment aux motifs que l'hypothèque grevant le bateau assuré aurait du faire l'objet d'une déclaration auprès des assureurs, obligation tirée d'un article des conditions générales du contrat.
Le Tribunal de Grande Instance statue en faveur de l'assuré et considère la clause comme non conforme aux exigences posées par le Code des Assurances. La jugement, infirmé par la Cour d'Appel, fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de Cassation, laquelle casse partiellement l'arrêt rendu par la Cour d'Appel.
Cette dernière, statuant sur renvoi, revient sur sa position et donne raison à l'assuré, tout en renvoyant à un autre jugement la détermination du préjudice de l'assuré.
Et loin d'être au bout de leurs peines après la décision de la Cour d'Appel (1), les assureurs du Leyden ont très certainement eu de nouvelles sueurs froides à la lecture de ce nouvel arrêt ; En effet, les juges ne se contentent pas de les condamner à payer ce que la police prévoyait lors de sa souscription, mais les condamnent également, sur la base de l'article 1150 du Code Civil, à indemniser l'assuré du préjudice né du refus de la compagnie d'appliquer la garantie d'assurance, ce refus ayant entraîné une perte de jouissance entre de son bien entre la date de la perte totale et la date de condamnation des assureurs.
Cet article, dont la rédaction n'a pas évolué depuis 1804, dispose que "Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée".
Pour les juges, les assureurs ne peuvent légitimement invoquer le fait que cet article ne trouverait pas à s'appliquer au motif que le dommage aurait été imprévisible ; Et les juges d'ajouter que la compagnie d'assurance ne pouvait ignorer, lors de la conclusion du contrat d'assurance, que l'inexécution par elle de son obligation de garantie était de nature à priver l'assuré de la jouissance de sa péniche qui lui servait de résidence principale, la police étant souscrite pour couvrir les dommages subis par le bateau et assurer la péniche au titre de la garantie multirisques habitation ;
La Cour justifie sa position en indiquant qu'il est indéniable que le défaut de versement par l'assureur des indemnités permettant à l'assuré de financer les travaux de remise en état de la péniche ou son remplacement est directement à l'origine du préjudice de jouissance de l'assuré, préjudice qui doit être indemnisé indépendamment de la justification des frais effectivement supportés par lui pour se reloger.
Dans leurs conclusions, les assureurs avaient bien entendu tenté de s'opposer à l'application de cet article en arguant que celui-ci n'était pas applicable, le refus de garantie qu'elle a opposé à l'assuré ne faisant pas partie des dommages pouvant être prévus lors de la conclusion du contrat. Pour les assureurs, seul pouvait s'appliquer l'article 1153 alinéa 4 aux termes duquel l'allocation de dommages et intérêts en cas de retard ou d'inexécution est conditionnée à la démonstration de la mauvaise foi du débiteur ; Or, le refus de garantie de l'assureur ne peut à lui seul caractériser une résistance abusive susceptible de donner lieu à une indemnisation distincte et les motifs opposés par l'assureur pour refuser sa garantie en l'espèce étaient légitimes car fondés sur des clauses de la police.
Ce nouveau rebondissement a de quoi inquiéter les assureurs, quels qu'ils soient. Une confirmation de ce jugement signifierait que les assureurs pourraient être tenus d'indemniser les assurés pour les conséquences d'une décision prise en application de leur police. Certes, l'arrêt circonscrit l'indemnisation aux conséquences dune décision erronée mais elle pourrait avoir des effets ravageurs et surtout contagieux.
(1) dont on rappellera que les conséquences devraient aller largement au delà du cas d'espèce
S'il est un serpent de mer dans le monde maritime, celui des ports refuges est sans doute l'un des plus anciens ; Il resurgit à chaque fois qu'un navire en avarie grave cherche désespérément un port acceptant de l'accueillir. Rappelons brièvement le concept : "Lorsqu'un navire est victime d'un événement, le meilleur moyen d'empêcher que des dommages ou une pollution ne se produisent du fait de la détérioration progressive du navire est d'alléger sa cargaison et ses soutes, et de réparer l'avarie. Il est préférable que cette opération soit effectuée dans un lieu de refuge. Si les États côtiers peuvent se montrer réticents à accepter des navires endommagés ou désemparés dans leur zone de responsabilité en raison essentiellement des dommages potentiels que cela présente pour l'environnement, il est en fait rarement possible de faire face de manière satisfaisante et efficace à un accident en haute mer. Dans certaines circonstances, plus un navire endommagé est forcé de rester longtemps à la merci des éléments en haute mer, plus son état risque de se détériorer ou plus l'état de la mer, les conditions météorologiques ou l'environnement risquent de changer, créant ainsi une situation qui peut devenir plus dangereuse. C'est pourquoi l'autorisation d'accès à un lieu de refuge pourrait impliquer une décision politique qui ne peut être prise qu'au cas par cas en tenant dûment compte de l'équilibre entre l'avantage pour le navire en difficulté et pour l'environnement d'amener le navire dans un lieu de refuge et le risque que constitue pour l'environnement la présence de ce navire près de la côte."
Ces quelques phrases ne sont pas de notre plume. Elles sont issues d'un document de l'OMI élaboré en 2003 et intitulé "directives sur les lieux de refuge pour les navires ayant besoin d'assistance". Voila donc plus de dix ans que la communauté maritime s'est mise d'accord sur les principes contenus dans ce document, et sur lesquels il n'y a pas réellement de débat, le document ne faisant que rappeler ce qui ne doit être considéré que comme étant des règles de bon sens, connues et et acceptées par tous....sur le papier.
Malheureusement, l'application de ces règles et directives est chaotique et ne se concrétise quasiment jamais. Dernier exemple en date, celui du chimiquier Maritime Maisie, balloté entre la Corée et le Japon depuis plus de 50 jours après avoir été abordé par un autre navire près de Ulsan en Corée le 29 décembre dernier, et surtout après avoir été fortement endommagé par l'incendie qui s'en est suivi durant près de trois semaines.
Pour son malheur, le navire, armé par Aurora Tankers, sous pavillon de Hong-Kong, et qui transportait 29 337 tonnes d'acrylonitrile, matière utilisé pour fabriquer des plastiques et du caoutchouc synthétique et d'autres produits chimiques, a rapidement dérivé dans les eaux nippones avant d'être rattrapé et pris en charge par les remorqueurs chargés de son sauvetage.
Depuis, c'est le statut quo. Les deux Etats se renvoient la patate chaude (...). Sauf que la structure du navire n'est plus réellement en capacité de résister aux efforts qui lui sont imposés par la navigation sur des mers pas toujours accueillantes. C'est tout le sens du rapport du Lloyd's Register's Ship Emergency Response Service (SERS) daté du 17 février 2014 et qui estime que la coque du navire a atteint ses limites de résistance. On ne peut raisonnablement être plus clair.
Mais voilà, malgré les demandes, les rapports, les alertes, les menaces, rien ne se passe. Et pour une raison finalement très simple et bien connue. Se référant à la résolution OMI A.949 (23), le secrétaire général Peter Hinchliffe de l'International Chamber of Shipping résume ainsi la situation : "Les Lignes directrices sur le traitement des demandes de lieux de refuge a été convenu à l'OMI, mais souvent, quand un cas se présente, les États côtiers concernés adoptent une position de rejet basée sur un "Oui mais pas chez moi" (NIMBY) ; Ceci contraste fortement ce qui se passe en matière d'assistance aux aéronefs ayant besoin d'assistance. Cette affaire actuelle montre que les récentes leçons n'ont tout simplement pas été tirés."
Et comment ne pas lui donner raison. Le seul exemple connu de réussite et d'application intelligente de ce concept a été le traitement du cas du MSC NAPOLI qui menaçait de rompre en pleine Manche, avec le risque de voir plusieurs millliers de conteneurs se perdre et dériver dans le détroit le plus fréquenté du monde....L'intensité de la menace pour le trafic maritime était telle que les Etats côtiers (France et Grande Bretagne) n'avaient finalement que peu de choix quant à la solution à adopter.
Mais voila, tous les navires n'ont pas "la chance" du MSC NAPOLI. En Europe, on peut ainsi se rappeler le traitement catastrophique du pétrolier Prestige qui aboutira à son naufrage et celui tout aussi peu glorieux du MSC FLAMINIA dont on peut raisonnablement penser qu'il ne doit son salut qu'au sérieux de son armateur, de ses assureurs, et des sauveteurs venus stabiliser la situation périlleuse dans laquelle se trouvait le navire. Les Etats disposaient pourtant de tout l'arsenal juridique nécessaire au traitement de ce cas, notamment avec la directive européenne du 27 juin 2002 (Directive 2002/59/C) qui, dans son article 20, impose aux Etats membres la création de lieux de refuge et de plans en vue d'accueillir des navires en détresse dans les eaux relevant de leur juridiction,
Avec de tels exemples, on aurait pu s'attendre de la part d'Etats comme le Japon ou la Corée à un traitement différent, enrichi de l'expérience du vieux continent....
Malheureusement, il n'en est rien et le navire attend que les Etats cotiers, poussés par l'armateur et l'Etat du pavillon, assument leur responsabilités et appliquent les directives de l'OMI auxquelles ils ont tous deux souscrits. Comme dans les autres cas, les Etats semblent préférer un naufrage qui permettra de "distiller" les responsabilités et surtout d'impliquer de manière quasi-exclusive l'armateur en cas de pollution des côtes, évitant ainsi toute mise en cause de la part de citoyens-électeurs pouvant venir reprocher à l'Etat et ses dirigeants d'avoir accepter la venue d'un navire en difficulté. Cette application de la politique "Not In My Back Yard" finira par conduire à une catastrophe majeure. Il suffit pour celà d'imaginer la répétition, mais avec une fin moins heureuse, du cas du MSC NAPOLI que l'on remplacera avantageusement par un Maersk Triple E en perdition en pleine Manche ou en Mer du Nord. 19 000 conteneurs perdus et dérivant dans ce détroit qui voit passer chaque année plus de 80 000 navires, transportant souvent des marchandises dangereuses, et heurtant, au gré des courants, les autres navires transitant dans le détroit, les navires de pêche, les ferries, etc........
Difficile à envisager. Et pourtant, c'est bien ce qui aurait pu se passer avec le MSC FLAMINIA dont les conteneurs auraient pu dériver dans l'Atlantique. Seul avantage avec les produits chimiques transportés par le Maritime Maisie, ils se disperseront dans l'Océan, ce qui permettra aux autorités concernées que le risque de pollution sur les côtes est minime.....
Rien à attendre non plus du côté de l'OMI qui a indiqué, en réponse à une proposition du Comité Maritime International de s'atteler à la rédaction d'une convention internationale sur les l'accueil des navires en besoin d'assistance et les ports refuges, que tout allait bien et qu'il existait déjà des outils juridiques comme la convention de Nairobi sur le traitement des épaves....Ce qui se passe actuellement en mer du Japon montre, qu'effectivement, tout va bien dans ce domaine.....